Peut-on être jeune aujourd’hui sans réseaux sociaux ?

Nous voici déjà au cinquième épisode du Curious Live, l’émission créée par les étudiant·es du Master MASCI, sur le thème cette année de l’évolution de la communication dans l’histoire. Cette fois-ci, Edith et Clément sont accompagné·es de Marion, Agathe et Léo pour réfléchir à s’il on peut vraiment être jeune aujourd’hui sans réseaux sociaux. 

À cette occasion, les étudiant·es ont eu l’opportunité d’en discuter avec Caroline Haillet, professeure associée auprès du Master MASCI, mais aussi chargée de communication pour l’agence d’attractivité du conseil départemental de la Côte d’Or, et également en seconde année de doctorat en sciences de l’information et de la communication pour le laboratoire Cimeos.

Les réseaux sociaux sont avant tout le moyen de divertissement et de socialisation le plus populaire chez les jeunes d’aujourd’hui. Ils répondent à leur besoin d’autonomie, d’indépendance et aussi d’émancipation. Ils permettent aux jeunes de pouvoir discuter avec leurs ami·es, de publier et partager des photos et vidéos mais aussi de s’informer sur l’actualité et même de la partager ! D’un point de vue plus personnel, c’est pour eux un lieu où tous·tes peuvent échanger entre eux·elles sur leurs expériences, et leurs questionnements et ce, en dehors de la sphère des adultes.

La non utilisation des réseaux sociaux : quel impact sur la jeunesse ?

Bien que les jeunes d’il y a 20 ans n’avaient pas besoin de réseaux sociaux pour entretenir des liens sociaux, ne pas avoir de réseaux sociaux de nos jours va vraiment limiter nos interactions sociales. Étant donné que la plupart des jeunes sont très actif·ves sur les réseaux sociaux, ceux·celles qui ne l’ont pas peuvent se sentir un peu isolé·es et en décalage avec les autres. Qu’il s’agisse de s’inscrire à un événement, de devenir membre d’une association ou même de se tenir au courant de l’actualité, ne pas avoir de réseaux sociaux peut rendre la tâche très ardue. Les groupes de classe ont par exemple pour vocation de permettre aux jeunes d’entretenir un lien social avec leurs camarades. Ils sont pour elleux le moyen de communiquer, de se tenir au courant d’informations importantes ou de faire des travaux de groupe.

Ne pas avoir les réseaux sociaux peut également faire passer les jeunes à côté de certaines références de notre culture populaire qui sont sources de divertissement et sont des sujets de discussion très récurrents chez leurs camarades. Il peut donc y avoir un fossé entre un·e jeune sans réseaux sociaux et celleux de son âge. 

Mais c’est tout à fait possible pour un·e jeune de vivre sans les réseaux sociaux de nos jours. C’est en rien un besoin vital. Mais cela nécessite de l’organisation. Il faut aussi être prêt·es à voir certaines informations importantes, actualités et nouvelles de nos ami·es nous passer sous le nez.

Grandir avec les réseaux sociaux, quels dangers ?

Crédit photo : lejournalinternational.info http://www.lejournalinternational.info/limpact-des-reseaux-sociaux-sur-les-jeunes/ iStock

Instagram, Tiktok, Facebook, Twitter, Snapchat, YouTube… et la liste est encore longue. Tous ces réseaux sociaux ont pris une place importante dans la vie des adolescent·es. Seulement leur utilisation n’est pas sans danger. Les jeunes s’exposent tous les jours en les utilisant au vol de données personnelles, au piratage, au harcèlement, ou encore aux mauvaises rencontres. Et c’est souvent lorsque l’on se rend compte de ces risques, qu’il est généralement bien trop tard.

Petit tour d’horizon des dangers des réseaux sociaux 

  • Exposition aux contenus choquants

Les réseaux sociaux sont un espace dans lequel les limites sont très souvent dépassées. Il suffit de quelques secondes pour qu’un contenu soit publié. En s’y aventurant, les adolescent·es risquent d’accéder à des contenus inappropriés. En effet, sur les plateformes qui font le buzz circulent une large variété de réseaux sociaux. Ces derniers peuvent être très choquants. Par exemple, ces nombreux comptes Twitter sont dédiés à la pornographie, avec des contenus essentiellement visuels (photos, vidéos). Ils ne sont pas filtrés par les administrateurs·rices et peuvent se retrouver dans les flux de tout un chacun, pour peu que les abonné·es soient fans ou aient « Liké » le profil. 

  • Arnaques

Des milliers d’arnaques sont présentes sur les réseaux sociaux. Et malheureusement, la majorité d’entre elles sont destinées à un public moins informé et plus naïf : les jeunes.

En effet, de par leur popularité, les réseaux sociaux sont les médias préférés des hackers pour diffuser du spam et des arnaques. Ces derniers rivalisent d’ingéniosité pour concevoir des messages séduisants qui invitent à « Liker » un post viral avec un lien corrompu, des applications contenant des virus, des campagnes de phishing pour soutirer les informations de connexion, etc. 

  • E-réputation et publications préjudiciables

Tout contenu posté sur les réseaux sociaux et par extension sur internet, existera pour toujours, même si vous supprimez votre post à partir de votre profil. Il est donc important, voire même essentiel, de faire très attention à ce que vous souhaitez partager sur vos réseaux sociaux. 

Sur Internet, tout peut être copié collé, il n’y a aucune garantie de confidentialité dans les échanges électroniques via les réseaux sociaux. Des photos prises lors de soirées ou dénudées peuvent facilement se retrouver à la vue de tout le monde, tout comme un message insultant, écrit dans un moment d’énervement.

  • Cyberharcèlement

En 2021, d’après une étude menée par Diplomeo, 17 % des jeunes ont été victimes de cyberharcèlement sur les réseaux sociaux. Le cyberharcèlement est un phénomène tout aussi courant et sérieux que les dangers précédents. Avec l’avènement d’Internet, les harceleur·euses n’ont plus besoin de sortir pour interagir avec les enfants. Il leur suffit de se connecter sur les réseaux sociaux pour trouver de nouvelles cibles. Le cyberharcèlement peut prendre la forme d’insultes, d’intimidation, de moqueries ou menaces en ligne, de diffusion de rumeurs… 

  • L’addiction

Lorsque les jeunes commencent à se rendre très tôt sur Tiktok ou Instagram, ils risquent d’en prendre l’habitude. La raison est simple. Les réseaux sociaux proposent une variété d’activités qui captivent en créant un besoin incontrôlable d’y rester et d’y revenir. C’est avec les « j’aime » et les demandes d’ami·es qui permettent aux jeunes de s’affirmer et de construire leur identité. Iels auront l’impression de se sentir aimé·es, de se sentir moins seul·es et de faire parti d’un groupe « d’ami·es » ; ce qui les poussent à passer toujours et encore plus de temps sur la plateforme sociale. Les contenus sont adaptés pour être courts. On passe rapidement d’une vidéo à l’autre sans s’en rendre compte. On peut donc facilement y passer des heures. Les réseaux sociaux ont donc certes des avantages et ne renferment pas que de la négativité, mais il convient cependant d’être conscient des risques qu’ils présentent afin de les éviter au maximum. 

L’impact de la Covid-19 sur notre rapport aux réseaux sociaux

L’utilisation des réseaux sociaux a été impactée par la pandémie de la Covid-19. En effet, depuis 3 ans maintenant, ces derniers sont devenus presque indispensables au quotidien de millions de personnes, qui s’en servent non seulement pour se divertir, mais également pour travailler. 

C’est notamment pendant les confinements de début 2020 que, selon l’ARCEP, le trafic internet des ménages français a augmenté de 30 % à cause de la hausse d’utilisation des réseaux sociaux. Selon l’étude Social Life 2020 menée par Harris interactive, 40 % des internautes français se sont créés un compte sur un réseau social ou une messagerie instantanée pendant cette période.

Lors des confinements qui ont eu lieu en France en 2020, beaucoup de personnes se sont retrouvées à devoir télétravailler. Ce nouveau mode de travail a demandé aux français·es une grande adaptation dans un pays où cette pratique n’était absolument pas répandue. 

Les réseaux sociaux ont joué un rôle déterminant dans le développement du télétravail et ont été plus mobilisés que jamais pour faciliter les échanges professionnels. Teams, Slack, Zoom, LinkedIn ou encore Skype, tous ces réseaux ont permis aux entreprises de partager des informations sur leur activité ou encore de maintenir au mieux des liens entre professionnel·les, mais également avec la clientèle.

Outre l’aspect professionnel, les réseaux sociaux ont joué un rôle très important dans la vie sociale des Français·es. En effet, la majorité d’entre elleux n’aurait pas réussi à se passer des réseaux sociaux durant les confinements, notamment les jeunes.

C’est assez compréhensible lorsqu’on sait que les réseaux ont permis à de nombreuses personnes de découvrir de nouvelles activités et loisirs pour s’occuper pendant de longs moments par exemple. 

Il y avait également ce besoin profond de garder le contact avec sa famille et ses ami·es, de préserver un lien constant avec ces derniers, notamment pour les personnes qui vivaient confinées seules durant cette période. 

On le sait, les réseaux sociaux sont une source d’information, qu’elle soit vérifiée ou non, et l’ont d’autant plus été pendant le confinement. Le flux internet ayant été fortement accentué, il était plus facile pour nombre d’entre nous de trouver des informations concernant l’actualité en France et dans le monde sur les réseaux sociaux.

L’utilisation des réseaux sociaux ne s’est pas accentuée seulement chez les jeunes, mais aussi chez les personnes plus âgées. Selon une étude CSA menée pour LinkedIn France en 2020, 54 % des personnes âgées de 50 à 64 ans ont eu une utilisation accrue des réseaux sociaux durant les confinements. Cela concernait également 44 % des personnes âgées de 65 ans et plus, donc une grande partie des personnes âgées qui n’utilisent pas nécessairement les réseaux sociaux en temps normal.

Comment améliorer son rapport au digital et trouver des moyens alternatifs pour améliorer sa vie ?

Nous avons mené un sondage sur un groupe d’étudiants de la génération Z (celleux qui sont né·es entre 1995 et 2009). Nous cherchions ainsi à recenser des avis, et à avoir des retours sur leur utilisation des réseaux sociaux. Cela ne doit pas vous sembler étonnant, si l’on vous dit qu’une majorité pense qu’il est presque impossible, de se détacher des réseaux complètement ? Cependant, un tiers des réponses nous prouvent que des solutions existent et qu’il est possible de prendre un chemin alternatif pour s’éloigner de ces réseaux anxiogènes. Et c’est précisément ce qu’on a essayé de comprendre, comment faire pour sortir la tête de l’eau ? 

  • L’éducation 

Tout d’abord, l’éducation est un point souvent au centre du débat. La première manière de changer la norme est d’adapter l’éducation des enfants. On entend souvent parler de l’âge minimum pour que les enfants puissent s’inscrire sur les réseaux. Actuellement à 13 ans pour la plupart, cette limite est constamment remise en question. On rappelle que 65 % des 10-14 ans ont déjà un compte sur un réseau social, et 66 % regardent régulièrement seul·es des vidéos en ligne sur des plateformes, comme YouTube, selon un sondage Ipsos pour la CNIL.

Nous avons profité de notre sondage pour demander aux jeunes quel serait l’âge idéal selon elleux, pour ouvrir son premier compte. Une majorité de nos sondés ont déclaré penser que la limite de 13 ans est trop faible et qu’il faudrait être proche de la majorité voire être déjà majeur pour pouvoir s’inscrire. Au-delà de l’âge, il paraît important d’adapter le discours envers les enfants concernant ces réseaux. 

  • Changer son attitude

On pourrait appeler la deuxième manière de changer son rapport au digital, la « rééducation ». Il s’agirait avec cette dernière de réapprendre et réinventer son utilisation. 

Laurent Karila est un psychiatre français, spécialisé dans l’addictologie, il avance que le retrait complet des réseaux à ses limites. Il serait plus intéressant de lutter contre l’addiction, en modérant et gérant sa posture.

Cette fameuse posture se résume donc à notre façon d’utiliser ces réseaux. Une tendance récente est de s’éloigner de la pression, en devenant un spectateur du réseau et de ne plus s’y impliquer. Michel Stora est psychologue et psychanalyste, il décrit ce phénomène comme une nouvelle façon d’utiliser ces médias: « Le côté voyeuriste prend le dessus sur le côté exhibitionniste sauf peut-être chez les ados et les jeunes adultes encore « en construction identitaire ». Aujourd’hui, les gens décrochent mais sans se couper totalement. Leur profil est une trace et une fenêtre ouverte qu’ils peuvent toujours ouvrir s’ils le souhaitent ».  

Par nos recherches et nos expériences personnelles, nous vous conseillons alors un traitement choc avec 3 doses. La première est de bien choisir ses réseaux afin de mieux les maîtriser. La deuxième est de réguler le temps qu’on passe dessus. Et, la troisième de trouver de l’utilité dans son utilisation (divertissement, informatif, pratique…) pour ne pas juste en faire un réflexe chronophage et déroutant.. 

Parents, faut-il laisser vos enfants aller sur les réseaux sociaux ?

Nombreux sont les enfants de 11-12 ans à déjà fréquenter au moins un réseau social, avec ou sans l’accord de leurs parents ! Cependant, iels ne sont généralement pas au courant des risques liés à l’utilisation des réseaux. C’est une discussion que les parents peuvent avoir avec les enfants en s’appuyant sur leur propre expérience. Ce peut être l’occasion pour les adultes d’avoir une discussion avec leurs enfants sur les « règles de bonnes conduite en ligne ». C’est quelque chose qui restera visible très longtemps. 

 

Pour tous les parents qui se demandent quoi faire pour aider leurs enfants à débuter sur les réseaux sociaux en toute sécurité, veillez tout d’abord à paramétrer leur compte. Cela permet de limiter la diffusion des données de votre enfant à un cercle restreint de personnes de confiance. Si vous avez vous-même des réseaux sociaux, n’hésitez pas à demander à votre enfant s’il souhaite vous avoir comme ami·e Facebook ou Instagram. Certains jeunes peuvent le vivre comme une intrusion et ce peut être contre-productif. Mais vous pouvez lui demander ce qu’il poste de temps en temps. S’il dit non au début, cela peut venir avec le temps. Enfin, n’hésitez pas à encourager votre enfant à vous solliciter si une information en ligne le perturbe. 

Il est très difficile pour un·e jeune de nos jours de vivre sans réseaux sociaux. Le mieux que vous puissiez faire est donc non pas de lui en interdire ou restreindre l’accès mais plutôt de l’accompagner en prenant soin de respecter sa vie privée pour l’informer des bonnes pratiques qu’il peut adopter et des risques potentiels qui existent.