Avec Free, Rodolphe a tout compris

Avec la montée de l’influence de la culture geek, certains annonceurs ont choisi un positionnement ciblant ce nouveau public.
Ce fut le cas pour Free, notamment avec leur célèbre campagne « Rodolphe de Free », développée par Saatchi & Saatchi en 2009.

 

Free et le marché de l’Internet

Free, c’est l’un des trois premiers fournisseurs d’accès à internet (FAI) à proposer un accès gratuit à internet sans abonnement ni numéro surtaxé dès 1999.

Free est considéré comme un pionnier dans le domaine de l’Internet, notamment par le fait qu’en 2000, l’entreprise lance le marché de l’ADSL en phase de test.

L’innovation par Free dès 2002-2003 lui a permis de se démarquer de ses concurrents : une offre ADSL complète comprenant les appels illimités vers les téléphones fixes et la télévision par Internet, le tout au prix défiant toute concurrence de 29,99€. L’ère de la box était née.

Seulement, et on pourrait croire que c’est une habitude chez Free, la qualité du réseau laisse à désirer. Même si Free a gagné l’intérêt d’une partie de consommateurs, la plupart ont finalement préféré les concurrents – le plus souvent Orange – qui ont toujours bénéficié d’une très bonne image en termes de qualité de service.

Free a toujours vu d’un mauvais œil le partage du marché de l’internet et de la téléphonie mobile par ses concurrents, et a donc tout naturellement essayé de s’améliorer et de proposer les prix les plus compétitifs possibles. C’est aussi cela qui confère à Free un avantage non négligeable.

Les trois dernières innovations de Free tentent justement d’ajuster son image qualitative sur le marché. En 2004, l’offre ADSL 2+ propose une meilleure qualité de service, puis en 2010 la Freebox Révolution apporte de nombreuses modifications et améliorations au parc multimédia déjà en place (certaines étant complètement nouvelles comme le lecteur Blu-Ray de la Freebox). Enfin, l’offre mobile lancée en 2012 a rencontré un succès fulgurant auprès du consommateur. Succès ensuite mitigé, déclenchant indignation et résiliations d’abonnements.

 

Free et la publicité

Depuis ses origines, Free a toujours vu ses mérites acclamés et vantés par la communauté geek, ceci grâce à son sens de l’innovation et son intérêt pour la technique. Il est vrai que, comparativement à ses concurrents, Free a proposé des services particuliers parlant à une communauté experte (adresse IP fixe, serveurs spéciaux rendant la navigation plus rapide).

Free, c’est gratuit

Free s’est efforcé d’utiliser un ton décalé et beaucoup d’humour dans ses publicités. Les premières jouaient sur la gratuité du fournisseur d’accès, parfois s’entourant d’acteurs connus comme Gilles Lellouche, et utilisant des slogans accrocheurs (« Free, ce serait payant, ce serait pas mieux »).

httpv://www.youtube.com/watch?v=yng_jn-TN3E

Free, c’est bien

En 2006, Free lance une campagne plus osée : Crétin.fr, imaginée par Publicis Dialog. Avec cette campagne, Free choisit de passer à l’offensive envers ses concurrents, les tournant en ridicule. Une campagne à double tranchant car le consommateur peut également se sentir visé, ce consommateur qui n’a justement pas choisi Free.

Free se sert du fournisseur fictif Crétin.fr afin de faire valoir ses atouts par rapport aux offres proposées par ses concurrents.

httpv://www.youtube.com/watch?v=QG5VpsL1u1k

Adoptant une démarche plus historique en 2008  mais toujours sur un ton décalé, Free abandonne Crétin.fr, campagne jugée offensante pour le consommateur qui commençait à saturer de se faire taxer de « crétin » sous prétexte qu’il avait choisi le concurrent.

 

Free, ça vous change la vie

En 2008, Free met en avant son sens de l’innovation en se comparant à des évènements ou des personnalités qui ont marqué l’histoire. On peut citer par exemple, l’invention de l’épée qui a changé l’art de faire la guerre, la découverte du feu, ou la trahison de Judas qui a livré Jésus Christ aux Romains. Avec cette campagne, Free finit le spot par une image de la Freebox et un nuage de mots se référant aux avantages du fournisseur d’accès.

httpv://www.youtube.com/watch?v=SMFBsk2WAyQ

 

Bon ok, Free c’est geek

En 2009, Free explose avec la création d’un concept des plus intéressants. Finies les références ou les attaques frontales, place à une égérie pour la marque ! Et cette égérie, on s’en souvient encore. Ce n’est autre que Rodolphe, de son vrai nom Jean-Daniel.

Rodolphe, c’est l’image que le grand public a du geek. Un jeune homme grand, mince, voire maigre, nonchalant, un peu attardé, et carrément dans son monde. Il arbore une coupe mulet, une barbe mal taillée et des vêtements tellement « old school » qu’on croirait que sa grand-mère les lui a tricotés. Rodolphe, c’est ce que les parents n’aiment pas : cet adulte qui vit toujours chez sa mère et passe son temps dans sa chambre à ne rien faire.

Ce que Saathci & Saatchi propose pour Free, c’est de s’immerger dans le mode de pensée du geek. Ces publicités ne dépeignent absolument pas son mode de vie, mais bel et bien ce que le geek imagine dans sa tête. Rodolphe est très souvent entouré de jolies filles qu’il initie à l’art du « French kiss », par exemple.

httpv://www.youtube.com/watch?v=ARDZbhRMT5Q

Ainsi, Free s’adresse à deux publics : le geek et le grand public.

Lorsque Free s’adresse au geek, il lui fait une promesse. Clairement, il lui dit que s’il choisit Free comme fournisseur d’accès à Internet, sa vie changera. Il aura une nouvelle habitude de consommer du contenu numérique, mais surtout, Free le rendra populaire.

Free essaie ainsi d’opposer deux mondes : le geek est son incapacité à se sociabiliser, et la Freebox, qui sans réellement de raison, aurait le pouvoir de rendre le geek populaire.

On pourrait penser que cette campagne n’aurait fonctionné que sur le public geek, mais c’est là que Free a surpris. Effectivement, même si la cible principale reste le geek, n’oublions pas qu’à une époque où cette culture s’affirme de plus en plus, et les technologies se développant à une très grande rapidité, il y a au moins un geek dans tout groupe, familial ou amical.

Qui n’a pas dans son entourage une personne capable de réparer un ordinateur ou de conseiller quant à l’achat d’une télévision ? Qui n’a pas dans son entourage une personne passionnée de cinéma ou de bande dessinée ?

Ainsi, par l’intermédiaire du geek, Free espérait toucher le grand public.

En effet, le spot touche le geek, qui saisit toutes les références incluses dans ces derniers. On notera les références à Star Wars lorsque l’on entend « Rodolphe, ich bin ton père », ou encore le costume de laine de l’ami de Rodolphe étant celui de Captain America, célèbre super-héros de l’écurie Marvel. Et lorsqu’un proche lui posera la question quant au choix d’un fournisseur d’accès à Internet – parce que le geek, au fond, c’est celui qui s’y connait le plus dans toute cette technologie, – celui-ci répondra « Free », parce que les spots publicitaires auront très bien fonctionné sur lui.

Free a su booster sa popularité par cette campagne. Rodolphe a su apporter une très bonne image par ce message décalé et plein d’humour. C’est ainsi que le fournisseur d’accès a pu sensiblement augmenter son nombre d’abonnés.

 

On reeeeefait le concept!

Après cela, Free a opté pour un positionnement différent.
Ainsi, les dernières campagnes rappellent beaucoup les publicités Apple : design épuré, musique de fond, disparition d’une voix off ou d’une voix tout court. On se concentre dorénavant sur le produit, mais surtout, on communique sur le fait que Philippe Starck ait fait tout le design de la nouvelle Freebox. On s’oriente sur quelque chose de plus luxueux et prestigieux en décrivant toutes les fonctionnalités de la Freebox.

httpv://www.youtube.com/watch?v=MR9vHP4ODbs

En parallèle, une autre campagne se basant plutôt sur l’offre est créée, utilisant une sorte de gourou qui nous parle de l’offre Free. On remarque que le ton décalé est toujours là, Free ayant du mal à abandonner ce concept. Des spots un peu compliqués à saisir, diront les internautes.

httpv://www.youtube.com/watch?v=eW9GGSwTa5c
Bien que Free ait réellement ouvert la voie en utilisant une image de geek dans ses publicités, aujourd’hui, les codes ont changé. C’est surtout parce que les agences de publicité s’entourent de plus en plus de geeks, capables de comprendre ce qui touchera ce nouveau public. Ainsi, les codes et références propres à la culture geek se retrouvent dans de plus en plus de messages publicitaires, utilisés de façon plus ou moins subtile. 

 

 

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