Ethique et publicité : état des lieux d’un secteur en quête de sens et de renouvellement

Pour cette septième thématique analysée dans le Curious Live – l’émission radio mensuelle des étudiants du Curious Lab – nous avons retourné les notions de publicité et d’éthique dans tous les sens du terme.

Un article et une émission réalisés intégralement par Élise Jager, Eva Den Broeder, Lam Vy Nguyen, Valentine Corbel et Lucile Bau.

Retrouvez les podcasts Curious Live sur www.rcf.fr en Bourgogne.

Curious Live mars

La publicité éthique

L’éthique est un concept large, polysémique et difficile à définir. Associée à la publicité, l’éthique prend encore un tout autre sens. ll y a donc de nombreuses façons d’interpréter le concept de “publicité éthique”. Nous allons ici, tenter de vous présenter 5 axes la publicité morale, inclusive, responsable, durable et écologique.

La publicité morale ou la responsabilité envers les consommateurs

Le mot ”éthique” veut dire “science de la morale”, reflétant les bonnes règles de conduite. Mais après tant de scandales dans les publicités, cet aspect est remis en question, ce qui a sévèrement nuit à l’image de la publicité en tant que telle : selon une enquête de Nielsen en 2015 seulement 37% des français font confiance à la publicité télévisée. Plusieurs éléments ont conduit à ce désenchantement, notamment les publicités extrêmement ciblées sur les réseaux sociaux, qui rendent la publicité intrusive, ainsi que tous les scandales de publicités mensongères en termes d’écologie ou d’égalité sociale.

Revenons sur ce premier point : en acceptant les cookies sur des sites web on accepte que les entreprises aient un œil sur ce que l’on fait sur internet, et ces données sont ensuite vendues pour que les marketeurs nous proposent des produits qui correspondent exactement à ce que nous cherchons. On dit d’ailleurs souvent que “si c’est gratuit, c’est nous le produit”. Pendant très longtemps cette pratique était parfaitement légale, ou du moins tolérée, mais cette intrusion dans la vie privée des consommateurs a poussé l’Union Européenne à prendre les choses en mains. En 2016, l’UE a rédigé le Règlement général sur la protection des données (ou RGPD pour faire court), un texte qui donne beaucoup plus de contrôle aux internautes et leur permet de non seulement vérifier les données collectées mais aussi de les supprimer.

Ce texte a notamment changé la façon dont les internautes donnent leur consentement : nous sommes passés d’un modèle opt-out à un modèle opt-in. Dans le premier modèle les entreprises avaient le consentement des consommateurs sans même devoir le demander. Depuis la rentrée en vigueur de la RGPD les consommateurs doivent activement donner leur consentement : ce qui se traduit dans toutes les bannières de demande d’acceptation de cookies. Si l’on clique sur “accepter” on donne notre consentement. Toutefois l’on voit émerger ce qu’on appelle la “fatigue du consentement”, c’est-à-dire que les gens en ont marre de tout le temps devoir cliquer sur toutes les bannières. Cette RGPD n’est pas encore la fin de l’histoire de la collection de données mais c’est un très bon début. 

Le deuxième aspect de la publicité est l’aspect moral.  De nombreuses entreprises disent qu’elles font des dons ou des actions pour rendre leurs produits plus éthiques et responsables, mais c’est en réalité du greenwashing.  C‘est une méthode de marketing utilisée par les entreprises pour se donner une image plus ‘eco-friendly’ et respectueuse de l’environnement alors que ce n’est pas réellement le cas. On peut notamment citer le secteur automobile avec toutes les promesses de “voitures vertes”. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles Volkswagen a été condamné en 2017 ; la FTC (Commission fédérale du commerce des Etats Unis) a porté plainte et les a accusés d’avoir voulu tromper les consommateurs avec des publicités diffusées entre 2008 et 2015, dans lesquelles ils vendaient des véhicules Volkswagen et Audi qu’ils disaient être ‘à faibles émissions d’oxydes d’azotes’. En réalité la marque avait utilisé différentes techniques pour réduire frauduleusement les émissions polluantes de certains de leurs moteurs diesel et essence lors des tests – donc les voitures étaient, au contraire de ce qui avait été indiqué, très polluantes.

Heureusement, il existe de nombreuses façons de réguler la publicité et chaque pays s’organise différemment. En France nous avons le CSA qui réglemente les publicités et qui peut aller jusqu’à les interdire. Nous pouvons également aussi citer l’ARPP qui a rédigé un guide de conduite pour la publicité pour limiter le greenwashing. Ces organismes posent un cadre que les marques doivent respecter afin de produire du contenu “éthique”, et ceci passe notamment par une demande pour plus d’inclusivité.

affiche inclusive

La publicité inclusive ou comment représenter le monde réel

Aujourd’hui, l’égalité femme-homme, les clichés et le sexisme font l’objet d’une synthèse de trois recommandations dans le code de l’ARPP. Cependant, d’après une étude menée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), les hommes sont davantage représentés dans les publicités pour les voitures, les banques et les assurances. Les femmes, quant à elles, sont majoritairement présentes dans les publicités pour le parfum et les vêtements par exemple.  Les clichés et le sexisme dans la publicité sont omniprésents. Cela passe par exemple en la représentation de femmes – objets, ou bien en exacerbant la masculinité de certains sujets.  

En plus d’éradiquer le sexisme et de supprimer les clichés des publicités, les entreprises pourraient opter pour des publicités représentant davantage des personnes de couleur, des personnes en situation de handicap ou des personnes issues du mouvement LGBTQ+. Ainsi, la publicité serait plus éthique, car plus représentative de la réalité.

La publicité responsable ou comment communiquer avec sincérité

La demande d’une nouvelle forme de publicité a également engendré une vague de publicités faussement éthiques. Dans de nombreuses communications nous pouvons nous demander si l’inclusion est-ce dû à un réel éveil sur les enjeux sociétaux et l’éthique, ou est-ce simplement de la stratégie ? C’est là que se pose la question du woke-washing. Très est proche du “purpose-whasing” ou du “good-washing”, c’est tout simplement lorsqu’une marque revendique un éveil sociétal au travers de ses communications sans que l’enjeu soit réel, en gros, la marque n’est pas honnête avec le consommateur.  

Il faut bien faire une distinction entre le green-washing qui se concentre sur l’écologie, et le woke-washing qui se concentre sur des enjeux sociétaux plus larges comme l’inclusivité, la représentation des tous les genres, de tous les corps dans la publicité, mais aussi de mouvements sociétaux comme Black Lives Matter ou #MeToo.  On remarque qu’il y a beaucoup d’entreprises qui profitent de certains évènements pour faire des publicités “engagées” avec de la forme mais pas de fond – mais les consommateurs le remarquent très vite et cela mène bien souvent à un bad-buzz car on doute de la crédibilité de la marque. Cette remise en question de la sincérité peut avoir des conséquences très négatives sur l’image de la marque à long terme.  

Pepsi par exemple a communiqué suite au mouvement Black Lives Matter, en mettant en scène Kendall Jenner (qui n’est pas représentative de la communauté) à une manifestation durant laquelle elle offre une canette de Pepsi à un policier. Cette publicité a fait une énorme bad-buzz car c’est une publicité qui n’a pas du tout comprit les enjeux et a réduit le mouvement social à un simple coup de com’.

Ce genre de communication génère encore plus de défiance de la part des consommateurs ; selon le Trust Barometer de l’agence Elan Edelman “60% des Français estiment désormais que « trop de marques utilisent désormais des enjeux de société comme leviers marketing pour vendre leurs produits”. Et cette défiance peut de remettre en cause les efforts déployés ces derniers temps – et parfois depuis bien plus longtemps – par les entreprises les plus engagées dans des démarches responsables ou d’amélioration. 

Pour distinguer le vrai du faux il faut se renseigner sur les marques, regarder les antécédents, leurs produits, les actions mises en place… Cela représente un gros travail et encore faut-il avoir le temps et l’envie de se renseigner. Nous avons beau être des consommateurs et consommatrices avertis mais beaucoup de marques restent opaques sur les choses qu’elles mettent en place et c’est là que se trouve toute la complexité du woke washing

La publicité responsable ou comment transmettre les bonnes pratiques

Dernièrement, la crise de Covid-19 nous a interrogé sur nos aspirations sociétales et économiques. La publicité exerce une influence majeure sur nos achats, nos modes de vie et nos représentations sociales. Et en France, les annonceurs lui consacrent 34 milliards d’euros chaque année, tous supports confondus.  

Les secteurs automobile, aérien, et pétrolier cumulent à eux trois plus de 5 milliards d’euros d’investissement en publicité selon plusieurs ONG. 1/3 de la publicité est donc diffusée par des secteurs polluants et défavorables à l’environnement. D’où la proposition de loi par Matthieu Orphelin l’été dernier : la Convention Citoyenne sur le Climat 2020. Cette proposition vise à utiliser la publicité différemment : comme levier au service de la transition écologique et de la sobriété dans l’utilisation des ressources.  

Cette proposition a été étudiée et a beaucoup fait parler d’elle, mais n’a pour l’instant pas abouti. Cela n’empêche pas que la publicité reste dans le viseur des députés et un sujet de plus en plus abordé lorsqu’on évoque la transition écologique.

En quoi consiste cette loi ? Elle a soulevé un grand nombre de propositions mais la plus importante est sans aucun doute l’interdiction progressive de la publicité pour des produits les plus polluants : les produits électroménagers les plus énergivores, les liaisons aériennes les moins justifiées… Parmi les autres propositions, on retrouve notamment :

  • L’arrêt du développement des écrans vidéo publicitaires et des catalogues publicitaires
  • La création d’un fonds de soutien à la publicité responsable pour financer la promotion de la consommation durable et ‘éducation à celle-ci.
  • La formation des acteurs de la publicité, communication et marketing (notamment les étudiants) aux enjeux liés à la préservation de l’environnement…
  • Restreindre le placement de produit dans les œuvres audiovisuelles pour des produits nocifs pour l’environnement
  • Interdiction des avions publicitaires

 

Bien qu’aucune loi ne soit, à l’heure actuelle, entrée en vigueur, certaines villes de France prennent les devants et prennent elles-mêmes des mesures parfois inspirées de la proposition de loi issue de la Convention citoyenne. La ville de Marseille par exemple, a récemment communiqué sur sa volonté d’interdire les publicités numériques dans tout le centre-ville (les grands écrans vidéo aux abris de bus). La mesure s’apprête à être votée et s’appliquera dès l’été 2022. 

Alors pourquoi s’attaquer directement à la publicité ?

Il faut avoir conscience qu’avec nos smartphones, nos trajets dans les transports en commun, nos soirées devant la télé, nous sommes confrontés à plus de 10 000 marques quotidiennement et ce de façon répétitive. Cela a un effet indéniable sur le comportement d’achat et les actions des consommateurs :  les publicités favorisent la surconsommation et créer en continu, un besoin qui n’existe pas forcément. Elle déconnecte ainsi totalement la question du besoin de celle de l’impact environnemental.

  • On parle d’impact indirect de la publicité sur l’environnement, puisqu’on consomme plus que ce qu’on devrait. 
  • Concernant l’impactdirect, la publicité agit par l’espace qu’elle occupe, l’énergie qu’elle consomme et les matières premières nécessaires à leur production : comme les fameux panneaux lumineux mais aussi la production de déchets, l’augmentation des besoins en transport… 
Bureau avec verdure

La publicité écologique ou comment modérer son impact sur la planète

La consommation d’énergie et la production de déchets sont des fléaux pour la planète et nous avons tous notre rôle à jouer pour y remédier ; et certaines entreprises ont réussi à trouver des solutions qui permettent de communiquer sans (trop) polluer !  

Par exemple, certaines imprimeries utilisent des produits recyclés et recyclables comme le papier ou l’encre pour créer des supports de communication écologiques !  Considérés comme désuets, polluants, pas écologique, les supports matériels de communication perdent l’engouement du public. C’est pourquoi les entreprises doivent changer de stratégie, notamment pour les goodies. Il est désormais possible de choisir l’option d’offrir des goodies plus durables. En effet, l’écologie n’empêche pas l’innovation. Il n’est pas rare de trouver un stylo qui se plante, une fois vide, et vous offre de jolies fleurs, ou encore une plante dépolluante pour chasser la pollution de votre bureau. Si vous êtes une entreprise, n’hésitez pas à aller dans les salons publicitaires, vous y découvrirez des goodies originaux mais aussi respectueux de l’environnement !

Pour limiter notre impact, on se tourne vite vers les supports numériques mais eux aussi sont très polluants : au total, le numérique consomme 10 à 15 % de l’électricité mondiale, soit l’équivalent de 100 réacteurs nucléaires. Et cette consommation double tous les 4 ans ! Les serveurs et Data Center (lieu où l’on stocke les données) consomment énormément car il faut constamment climatiser la pièce pour éviter une surchauffe des banques de données. Plusieurs entreprises ont alors fait le choix de situer leurs serveurs dans des pays au climat froid pour baisser la température de façon naturelle. Entre autres Google a fait ce choix en implantant ses serveurs en Finlande, diminuant ainsi de 50% sa consommation d’énergie.  D’autres entreprises ont choisi d’utiliser des énergies renouvelables telles que le vent, l’eau et le soleil pour alimenter les centres de données. 

Le numérique ne se résume pas uniquement avec des banques de données. Ces Data Center servent à alimenter les sites web. Les sites internet consomment également énormément, c’est pourquoi, il existe désormais des sites web écologiques.

Pour le devenir il faut être minimaliste, revenir à l’essentiel. Il faut limiter les informations pour garder uniquement l’essentiel : pas de plugins, peu d’images et vous ferez un gain d’énergie considérable. Le site Website Footprint permet de calculer l’impact écologique d’une page web. Pour réduire cet impact il y a 3 règles fondamentales : réduire le transfert de données, analyser la consommation énergétique de son site, et héberger ses données avec des énergies renouvelables.

Pour conclure

L’éthique est un terme très vaste, la définition varie d’une personne en une autre en fonction de sa perception du monde. Toutefois, on constate ces derniers temps une mutation des mentalités qui forcent les entreprises à s’investir dans cette quête d’un monde meilleur en termes d’écologie, d’inclusivité et de transparence. Les entreprises jouent beaucoup de ce terme et de cette “tendance” pour se proclamer éthique. Il faut toujours faire attention à la publicité des marques car derrière un beau message, peut se cacher une promesse mensongère. Il est essentiel de nos jours de se renseigner sur les marques que l’on consomme, les pubs que l’on voit. Il est d’autant plus essentiel de faire attention à notre manière de consommer pour ne pas encourager les entreprises qui ne sont pas éthique à rester dans leur lignée.

Nos magnifiques réseaux sociaux

Découvrez notre Master