Cosmétiques : prise de conscience et des nouveaux regards

Pour le troisième rendez-vous du Curious Live, l’émission de radio créée par les étudiants du Curious Lab pour l’année 2020/2021 et ayant pour but d’aborder des sujets au tour de l’éthique et de la responsabilité sociétale des entreprises. Cette fois-ci, Elise Jager et Eva Den Broeder, accompagnées de Léa Gayraud, Mathilde Laprugne et Ophélie Swan ont eu l’occasion de parler de la prise de conscience et des nouveaux regards autour des cosmétiques.  

Une démocratisation des cosmétiques chez les hommes

Ces dernières années, nous avons été témoins de changements des standards de beauté́, autant chez les hommes que chez les femmes. Le maquillage est un sujet qui a toujours été d’actualité du fait des différents courants, comme en art, qui ont traversé les époques. Les campagnes de pubs des marques de cosmétiques on depuis toujours été destinées aux femmes, mais depuis peu, les hommes commencent également à faire partie de leurs cibles car de plus en plus, les hommes se maquillent, prennent soin d’eux, de leur peau etc.  

La démocratisation du maquillage est toutefois difficile et loin d’être totalement aboutie. Le maquillage n’a pourtant pas toujours été réservé aux femmes ! Les hommes recommencent en fait à se maquiller. A l’origine, le maquillage était aussi bien pour les hommes que pour les femmes. Dès la préhistoire, il semblerait que les hommes utilisaient une sorte de peinture à base de plantes et de terre pour s’enduire le corps. Chez les égyptiens en –3000 avant JC, les rois tout comme les reines étaient maquillés, et les dieux étaient toujours représentés maquillés. Les Romains eux recouvraient leurs calvities avec de la peinture. Dans plusieurs ethnies africaines les hommes se parent d’un maquillage tribal. C’est sous Louis XIV aux alentours du 17ème siècle que le mot « maquillage » est utilisé pour la première fois. « Maquiller » prenait alors le sens de tromper, masquer, camoufler. Pour se donner une apparence noble, les hommes étaient ainsi poudrés et perruqués. Ils se maquillaient aussi les joues en rouge et se collaient des mouches de taffetas. L’élite aristocratique va même jusqu’à accentuer leurs veines en bleu pour souligner la délicatesse de leur peau et donc leur haut lignage. On peut aussi penser à de grands artistes tels que David Bowie, Prince ou encore Michael Jackson qui se sont bien souvent maquillés. Quand le terme “maquillage” a été créé, il renvoyait au fait de prendre soin de soi pour exister socialement. Aujourd’hui encore, utiliser des cosmétiques, c’est essayer de donner une image de soi qui correspond à des codes et à des normes sociales et culturelles.  

Aujourd’hui, les diktats qui régissent notre société évoluent. Après une période où le maquillage a été considéré comme féminisant, l’homme n’a plus à mettre en abîme une virilité poussée à son paroxysme. Une nouvelle masculinité, libérée des carcans, qui permet une approche inédite de la beauté et dans laquelle les marques voient une opportunité commerciale de taille. Dans un monde où le style réinvente les règles et où le genre n’est plus dicté, Chanel lançait sa ligne de maquillage pour homme fin 2018.  Même si c’est une collection qui contient peu de produits, elle est destinée et sublimer subtilement. En élargissant sa cible, la marque de luxe a été avant-gardiste et porteuse d’un nouvel état d’esprit dans le monde des cosmétiques.

A l’ère des milléniaux, le maquillage peut aujourd’hui servir à exprimer sa singularité. En parallèle, la question du genre s’estompe peu à peu : on s’éloigne de plus en plus du masculin défini en opposition au féminin. Cette façon de penser permet d’être plus créatif avec les cosmétiques.   

Cette nouvelle génération a accès à des outils de partage en ligne, pour partager leurs looks et inspirations. YouTube et Instagram sont les plateformes préférées des make up artists et voient fleurir des jeunes passionnés. Pendant près d’une décennie, il n’y avait presque qu’exclusivement des femmes qui faisaient succès grâce à leur passion pour le monde du maquillage, mais aujourd’hui les choses ont changé. Le Youtubeur américain James Charles, avec plus de 23 millions d’abonnés sur Instagram devenait en 2016, à seulement 17 ans, le premier homme à devenir l’égérie d’une campagne publicitaire pour un mascara Cover Girl et à faire la Une du magazine diffusé par la marque du même nom. En France, le maquillage se démocratise également petit à petit chez les créateurs de contenus. On peut penser par exemple à l’influenceur Richaard qui a été le premier garçon à se lancer dans l’aventure des vidéos beauté en France. Récemment, le jeune homme a été approché par Sephora France et est aujourd’hui l’ambassadeur de la marque sur les réseaux sociaux. Son mot d’ordre : il faut s’assumer tel que nous sommes et ne pas se soucier du regard des autres.  

D’un autre côté, le maquillage devient pour les femmes (et les hommes) un réel moyen d’expression. Fini la conformité, osons les couleurs ! On observe l’apparition de nombreux MUA amateurs (make up addit ou make up artist) sur les réseaux sociaux qui souhaitent partager leur création. Le maquillage se transforme donc en une forme d’art à part entière où chacun peut s’exprimer, où les limites et les normes n’existent plus et où le visage et le corps deviennent une toile.   

D’autre part, certains artistes remettent le make-up pour homme en avant : le groupe k-pop BTS a toujours ongles manucurés et teint parfait. Mais c’est peut-être une question de culture car dans d’autre pays la relation hommes/maquillage est complètement différente. En Corée du Sud, voir des hommes à la peau parfaite et sans défauts pour aller travailler est la norme.

Et chez les femmes alors ?

Le maquillage pour les femmes était durant l’Egypte Ancienne une manière de contribuer à la beauté des Egyptiennes, comme Cléopâtre. Durant tout le cours de l’histoire, on a pu observer une évolution de l’utilisation des produits cosmétiques mais également de nouveaux styles émerger. On peut évidemment penser au style Renaissance et son teint blanchâtre et les joues rouges, ou encore aux années 30 et ses sourcils fins et les lèvres maronnées.   Chaque époque possède tout simplement son style qui lui est propre !  

Depuis les années 2010, les personnalités comme notamment les soeurs Kardashian ont une grande influence sur les codes de beauté ainsi que sur toutes les tendances. Avec leur émission de télé réalite, “Keeping Up with the Kardashians” elles influencent des milliers de femmes et leur façon de percevoir le maquillage. C’est principalement grâce à Kim Kardashian que s’est démocratisé la tendance du “contouring”. Le contouring est une technique qui vise à sculpter les contours du visage, en jouant avec les ombres. En gros, cette technique de maquillage vise à rendre les traits du visage plus harmonieux sans avoir à passer par le bistouri !  

Parallèlement, on observe d’autres tendances émerger comme par exemple celle du « make up no make up » promue principalement par les mannequins comme les sœurs Hadid sur les réseaux sociaux. Le  “Make up no make up” consiste à se maquiller tout en paraissant démaquillée et naturelle, c’est une tendance qui souhaite revenir aux bases et promouvoir la beauté naturelle. En effet, on observe une réelle émancipation de la femme face au maquillage, les femmes souhaitent se débarrasser d’une contrainte, gagner du temps, casser les codes et ne plus respecter cette injonction qui dit « tu es une femme tu dois te maquiller pour être belle ». Cette tendance suit toutes les tendances du “self care”, on peut penser au no bra (le fait de plus systématiquement porter de soutien-gorge), au no shaving (de ne plus systématiquement se raser) ainsi qu’à tous les mouvements body positive. Le but principal de ces tendances étant de se réapproprier son corps au naturel, et de s’offrir une liberté et un confort sans se conformer aux normes.   

 Finalement, peu importe leur choix de porter du maquillage ou non, chaque femme essaye de se réapproprier son corps, de s’exprimer et de faire ce qui lui plaît sans se conformer à des normes sociales, le maquillage devient peu à peu un moment de plaisir et non plus une obligation. Et surtout c’est quelque chose que l’on fait pour plaire à soi-même et plus pour plaire aux autres !

Et les marques dans tout ça, elles font quoi ?

Jusqu’à présent, il n’y avait que très peu de diversité dans le choix des teintes de fond de teint par exemple. Quand en 2017 Rihanna lance sa marque de cosmétiques Fenty Beauty, elle bouleverse le monde de la cosmétique. En effet, en proposant 40 teintes différentes, elle permet à tous et à toutes, peu importe sa carnation, de trouver le teint qui lui correspond.  Surprenant mais vrai, jusqu’à son initiative, très peu de marques offraient tant de diversité. Si peu que dans les années 80 Iman, un mannequin somalien et américain, devait mélanger plusieurs fonds de teint pour pouvoir trouver son teint et se maquiller correctement lors de ses séances photos. Entre la promotion inclusive et la représentation de toutes les couleurs de peau, tous les genres, et tous les corps,  Fenty Beauty a su montrer qu’une marque peu avoir du succès tout en cassant les codes et les normes instruites.  

Au-delà de la dimension d’inclusivité, Rare Beauty, la marque de cosmétiques lancée par Selena Gomez, va encore plus loin et organise de nombreuses initiatives autour de la santé mentale. Avec ses nombreux moments d’échange autour de l’acceptance de soi et le bien-être moral, la marque promeut l’utilisation des cosmétiques sans se soucier des normes et de la pression sociétale. Sa fondatrice l‘a bien dit lors d’une interview avec CNN : “ Je considère le maquillage comme un accessoire et un sujet qui doit susciter l’enthousiasme. Et c’est vraiment ce que je veux que Rare Beauty incarne — portez autant de maquillage ou aussi peu que vous le souhaitez — c’est un espace sûr et accueillant où tout le monde devrait se sentir à l’aise. “. Par ailleurs, la marque verse un pourcent de son chiffre d’affaires annuel à sa propre fondation, le Rare Impact Fund, qui a pour but de financer l’accès aux soins mentaux pour les personnes de communautés moins privilégiées et qui travaille en coopération avec un comité d’experts de la santé pour s’assurer d’avoir un impact positif et durable. Les nouvelles marques de cosmétiques s’imposent donc comme des portes paroles et des leaders de toute une génération !  

Avec le changement de la mentalité envers l’utilisation du maquillage vient aussi une prise de conscience sur la composition des produits, ainsi que sur leur production. Officiellement depuis le 21 septembre 2016, les tests sur animaux sont interdits pour les produits cosmétiques vendus en Europe.  Il est maintenant important pour chacun de savoir quels composants sont utilisés pour la fabrication de nos produits, puisque la beauté conventionnelle ne vaut pas l’utilisation d’éléments néfastes pour la santé. La revue “60 millions de consommateurs”, en coopération avec l’Institut national de la consommation, a mis au point le “cosméto’score”, qui pour sa première étude a analysé la composition de 86 produits populaires, et leur a donné une note de A à E. Cette note est définie en fonction des ingrédients présents dans le produit et de leurs impacts sur la santé et sur l’environnement. Malgré cette bonne initiative, le projet n’a pas été encouragé par la Fédération des entreprises de la Beauté, dont le président, Patrick O’Quin, dit que “le débat sur la composition des produits est toujours légitime, en cosmétique comme pour tous les autres produits de consommation. Mais inquiéter le consommateur avec des indicateurs imprécis et des informations incomplètes n’est pas la bonne méthode.” Quoi qu’il en soit, et comme il l’a indiqué, le débat reste d’actualité, et pour combattre l’utilisation de ces produits que l’on juge, à juste titre ou non, comme néfaste, la tendance des cosmétiques responsables et bio est née !  

En 2018, 58 % des Françaises ont acheté au moins un produit cosmétique bio, selon un sondage IFOP. Ce chiffre a quasiment doublé en moins de dix ans. D’un marché niche, la cosmétique bio est devenue populaire et très demandée.

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Les cosmétiques bios : l’avenir ?

Se tourner vers la cosmétique bio c’est une manière de mieux consommer, d’être éco-responsable et de prendre soin de sa santé et de la planète en même temps. Cette cosmétique naturelle, elle est plus respectueuse de l’environnement car elle n’utilise aucun ingrédients toxiques, dérivés d’hydrocarbures, silicones ou d’autres ingrédients polluants.   

 Les cosmétiques bio sont également respectueux de la santé puisque les perturbateurs endocriniens, potentiellement cancérigènes ou irritants pour la peau, le plomb, les sels d’aluminium, et autres ingrédients sont totalement bannis des compositions des produits. Enfin, ils sont respectueux des animaux et les tests cosmétiques sont interdits tout comme l’utilisation d’ingrédients qui provoquent la souffrance ou la mort de l’animal.  

De base, un produit est dit biologique lorsqu’il est issu de l’agriculture biologique, c’est à dire sans utilisation d’engrais chimiques de synthèse comme des pesticides, des herbicides chimiques ou des fertilisants artificiels : une agriculture naturelle.  

Mais maintenant sa définition a un peu changé mais l’objectif de minimiser l’impact sur l’environnement reste : un produit biologique est naturel, respectueux de l’environnement, sans produits d’origine animale et non testé sur les animaux. Ainsi, la cosmétique bio met l’accent sur l’utilisation d’extraits de plantes, d’huiles végétales et essentielles et la non-utilisation d’ingrédients synthétiques qui peuvent agresser la peau ou polluer l’environnement comme des silicones, parabènes ou parfums de synthèses.  

Ainsi, pour qu’un produit soit considéré comme bio, le produit doit posséder un label, qui va assurer le respect de la charte qui indique les ingrédients interdits ou autorisés mais aussi le pourcentage minimum d’ingrédients d’origine naturel et issu de l’agriculture biologique qu’un produit doit contenir. 

Par exemple, si l’on se réfère au label Ecocert / Cosmébio qui est le plus reconnu en France, un cosmétique bio doit contenir :  

  • Au minimum 95% d’ingrédients naturels ou d’origine naturelle.  
  • Au minimum 95% des ingrédients végétaux sont issus de l’Agriculture Biologique  
  • Au minimum 10% de l’ensemble des ingrédients sont issus de l’Agriculture Biologique  

Sans ce label, on parlera de cosmétique “naturel”. Certains cosmétiques naturels non labellisés bio respectent quand même les exigences deslabels bio, et peuvent même aller au-delà. Les petites marques notamment décident souvent de se passer de labels car ceux-ci sont trop coûteux.  

Ces dernières années, des marques de maquillage Bio qui prônent l’utilisation d’ingrédients naturels et bio mais aussi le zéro déchet avec des packagings recyclables ou réutilisables ont vu le jour. Mais ces petites marques sont beaucoup moins connues que les grandes prônant le naturel comme Yves Rocher par exemple. La marque est en constante amélioration dans les composants de ses produits, mais pas tous ne sont naturels ou bio.  

Pour certaines personnes, consommer bio n’est pas assez. En effet, après le bio, de nouvelles tendances partageant le même objectif, apparaissent. Des cosmétiques véganes et zéro déchet ou encore la low cosmétique qui est le fait de consommer moins pour consommer mieux.  

Enfin, la dernière tendance est de créer soi-même ses produits à l’aide de matières premières achetées en magasins bio ou sur des boutiques en ligne tel qu’Aroma-zone. Toutes ces tendances ont eu une montée en croissance lors du confinement, où les consommateurs avaient plus de temps pour s’occuper d’eux et ainsi modifier et améliorer leur mode de consommation.  

Confinement = changements de comportements 

La crise du coronavirus et le confinement national du mois de mars a éveillé chez les consommateurs une importante prise de conscience : premièrement, nos produits viennent de loin, ils sont fabriqués avec des matières dont on n’est pas toujours sûr de la qualité et des bienfaits apportés à notre corps.   

Même si cette tendance a émergé depuis quelques années déjà, avec l’apparition des cosmétiques bio et des marques naturelles comme Respire, elle s’est nettement accélérée pendant que nous étions coincés chez nous. Les consommateurs d’aujourd’hui exigent plus de transparence par rapport aux produits qu’ils mettent sur leur peau, et pour certains, rien de mieux que de les fabriquer soi-même, comme le montre les excellents résultats du site français Aroma-Zone (site qui permet d’acheter des ingrédients naturels destinés à la fabrication de cosmétiques bio ou DIY) qui a vu ses ventes explosées pendant le confinement. En effet, grâce aux réseaux sociaux et aux blogueurs qui mettaient à nos dispositions des tutos faciles à réaliser, les gens se sont mis au DIY : ils avaient le temps pour les occupations manuelles. Le virus a notamment permis une prise de conscience par rapport aux faits que nos produits viennent du monde entier, on ne sait pas ce qu’il n’y a dedans ni qui les a fabriqués alors qu’on les applique directement sur notre peau. Méfiance mais désillusion aussi, parfois les produits qu’on fabrique nous-mêmes peuvent s’avérer inefficaces, et peuvent aussi mal se conserver… 

Si la tendance était déjà au maquillage naturel et aux produits vegans, la crise sanitaire a renforcé ce mouvement : on délaisse le maquillage notamment à cause du fait que nous restons chez nous, nous sommes plus en télétravail qu’avant et donc on se maquille beaucoup moins. Selon une étude de l’IFOP, le confinement et le port du masque ont provoqués une baisse de consommation de cosmétiques : les femmes ne souhaitant pas avoir de trace de rouge à lèvres ou de fond de teint sur le masque et prendre soin de leur peau qui respire beaucoup moins coincée sous un masque !   

Ce changement de comportement des consommateurs oblige les entreprises du secteur de la beauté à s’adapter – L’Oréal a par exemple vu son bénéfice net reculer de plus de 21 % au premier semestre 2020, à 1,82 milliard d’euros. 

Conclusion

 Finalement, les cosmétiques et le maquillage se transforment peu à peu en un réel enjeu sociétal. Ils ne servent plus seulement à se faire beau/belle mais à faire passer des jolis messages d’inclusion, de liberté et de confiance en soi. Les nouvelles marques de cosmétiques l’ont bien compris et saisissent cette opportunité en offrant de la diversité et en prônant l’acceptation de soi.  La nouvelle génération prend également conscience de l’importance de la composition des produits en se tournant de plus en plus vers la consommation de produits bio et naturels. Consommer des produits naturels devient un enjeu non seulement pour soi, mais également pour l’environnement. Cette tendance s’est encore plus accélérée avec la crise du COVID – 19 et les confinements que nous traversons. A voir comment cela évolue dans le futur ! 

Article rédigé par Léa Gayraud, Ophélie Swan et Mathilde Laprugne.

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