Communiquer l’histoire : Alésia et sa nouvelle scénographie

Nous voici déjà au septième épisode du Curious Live, l’émission créée par les étudiant·es du Master MASCI, sur le thème cette année du patrimoine en Bourgogne. Cette fois-ci, Etienne et Camille sont accompagné·es de Maëlle, Clarisse et Grégoire pour vous parler d’histoire. À cette occasion, les étudiant·es ont eu l’opportunité de rencontrer Michel Rouger, directeur général du MuséoParc Alésia et ont pu lui poser des questions lors d’une visite guidée du musée.

Un site chargé d’histoire

Le MuséoParc retrace l’histoire de la célèbre bataille d’Alésia. Le lieu de celle-ci a souvent fait débat, mais dans les années 90 des scientifiques considèrent finalement Alise-Sainte-Reine comme le lieu historique de la bataille. C’est naturellement que le MuséoParc s’y est installé.

MuséoParc
Crédit photo : Sébastien Pitoizet

Petit retour en arrière pour comprendre ce qu’il s’est passé.

Issu d’une riche famille d’aristocrates romains, Jules César est un homme de stratégie politique comme militaire qui gravit tous les échelons, allant jusqu’à se faire proclamer dictateur à vie et conquérir un empire gigantesque jusqu’aux confins du monde connu de l’époque. En effet, après un rapide exil en Asie suite à une guerre civile, il revient à Rome en 73 avant J.-C. et entreprend sa quête de pouvoir : il est nommé questeur en 68 av. J.-C., puis édile en 65 av. J.-C., préteur en 62 av. J.-C. etc…Il fera rapidement parti du premier triumvirat (gouvernement à trois) aux côtés de Pompée et Crassus. Il se voit léguer le gouvernement de la Gaule Cisalpine qui s’étend alors sur toute la côte Méditerranéenne de la France jusque sur les contreforts Balkaniques. Afin de renforcer ses richesses et sa crédibilité auprès du peuple Romain, et poursuivre la politique expansionniste romaine, il décide de débuter la Guerre des Gaules en 58 avant J.-C. Il bat les Germains d’Arioviste, les Belges, les Usipètes et les Tenctères, mais il rencontrera une forte résistance face à un certain chef gaulois.

En 52 av. J.-C., la Gaule s’embrase ; le jeune chef Vercingétorix (littéralement, le “grand guerrier roi”), issu du puissant peuple des Arvernes (Massif Central), prend la tête de l’insurrection. Celui-ci a d’ailleurs servi un moment dans l’armée romaine. Le soulèvement débute par le massacre de Romains vivant à Cenabum (Orléans). Le chef gaulois se place à la tête de 150.000 hommes ; il applique une stratégie radicale : la politique de la terre brûlée, une tactique qui réussit en général aux plus faibles, celle qui sera bénéfique aux Russes d’Alexandre Ier contre Napoléon et à ceux de Staline contre Hitler. Cependant, la manœuvre coince lorsque les Bituriges le supplient d’épargner Avaricum (Bourges), “la plus belle ville de Gaule”, selon ses habitants. Compatissant, le guerrier arverne fléchit. César en profite pour entamer le siège de la cité ; il finit par l’enlever et récupère des vivres pour ses troupes. Les habitants sont massacrés. Peu de temps après, Vercingétorix repousse César lors du siège de Gergovie, en Auvergne.

Statue de Vercingétorix
Crédit photo : MuséoParc Alésia

Galvanisés après l’exploit de Vercingétorix à Gergovie, les Gaulois se rallient massivement à lui, y compris les Éduens, pourtant majoritairement pro-romains. Le nouveau choc a lieu à Alésia, en Bourgogne.

« Vercingétorix voulait en finir une bonne fois pour toutes, instaurer la paix durablement en détruisant l’armée de César. Il eut recours à la tactique du marteau et de l’enclume. »
Yann le Bohec
Alésia, 52 avant J.C.

La prouesse de Vercingétorix aura été de rassembler des tribus gauloises pour pouvoir faire front face à l’ennemi envahisseur. Son échec fera dissoudre la coalition gauloise et verra la Gaule se faire envahir par César.

On dénombre entre 600 000 et 1 millions de morts gaulois (ce qui correspond à 1/8ème de la population), plusieurs dizaines de milliers de captifs acheminés comme esclaves vers l’Italie ainsi que près de 800 agglomérations rayées de la carte. Réputés moins puissants physiquement, les Romains exploitent les divisions gauloises et mirent à profit leur remarquable stratégie, comme leur mobilité.

Inauguration du MuséoParc

C’est le 26 mars 2012 qu’est inauguré le MuséoParc d’Alésia du conseil général de la Côte-d’Or et du Ministère de la Culture. Construit au pied du village d’Alise-Sainte-Reine, l’objectif de ce MuséoParc est de faire mémoire à ce qu’il s’est réellement passé à Alésia autour de trois sites : le Musée qui présente l’histoire d’Alésia, de la Préhistoire à nos jours, les vestiges de la ville gallo-romaine d’Alésia et la statue de Vercingétorix érigée par Napoléon III. Sous la direction de Michel Rouger depuis 2016, le MuséoParc propose tous les ans une nouvelle saison culturelle pour petits et grands avec des animations variées, encadrées par des professionnels passionnés. Mais l’année dernière, après presque 10 ans d’ouverture, le musée a décidé de se refaire une beauté.

Une nouvelle scénographie

Aujourd’hui, il ne reste plus rien de l’exposition permanente installée depuis la création du MuséoParc Alésia. Toutes les cloisons sont cassées, les anciennes collections rangées et le musée fait place à la nouveauté. Le célèbre site de la bataille d’Alésia change l’exposition permanente, en place depuis son inauguration en mars 2012. Cette exposition initiale était uniquement consacrée au siège qui a duré à peu près deux mois, mettant en scène les techniques de combat des romains, leurs équipements, comment ils étaient organisés. À la fin du parcours, le mythe du gaulois, datant du 19ème siècle, était évoqué : le moustachu chevelu que tout le monde connaît !

MuséoParc
Crédit photo : Sébastien Pitoizet

Cette décision fait suite aux changements des attentes du public, à l’évolution de la médiation culturelle de ces dix dernières années, et à la volonté de présenter les collections trouvées sur le site d’Alésia. Cela permet de ressortir des collections longtemps exposées au musée d’Alésia, ouvert entre 1910 et 2005.  Le musée ne présente alors plus uniquement le siège, mais également le mode de vie des gaulois dans la période qui a précédé. Le parcours de visite est alors un parcours chronologique, permettant de mieux comprendre l’évolution au fil des années. Sous la conduite du Conseil Départemental (maître d’ouvrage et financeur du projet en juin 2021), l’exposition laisse place à une nouvelle scénographie, plus accessible, plus interactive, plus ludique et plus proche des visiteurs. Celle-ci commence avec un film d’introduction mettant en scène quelques personnes qui donnent leur point de vue sur les gaulois et les romains. Selon Michel Rouger, le but était de « revenir balayer un peu tous les clichés qui sont nourris par notamment une célèbre bande dessinée que je nommerai et qui s’appelle Astérix, que tout le monde a lu et qui est une base de connaissances pour beaucoup de nos visiteurs ». 

Le musée est alors métamorphosé, plus accessible et adapté à petits et grands : jeux vidéo, films, collections archéologiques… Tout est mis en place pour que tous les visiteurs y trouvent leur compte. Michel Rouger nous fait part des nombreux bons retours reçus sur cette nouvelle scénographie :

«Ce qui nous a fait plaisir aussi, c’est que même des archéologues, spécialistes reconnus, des historiens, des conservateurs d’autres musées archéologiques sont venus visiter et ont aussi été assez enthousiastes en disant que c’était vraiment intéressant la manière d’avoir abordé les choses ici».
Michel Rouger
Directeur général du MuséoParc Alésia
MuséoParc
Crédit photo : Sonia Blanc

“Apprendre en s’amusant”, un pari relevé au MuséoParc, où l’équilibre entre le sérieux d’un propos et la partie ludique est parfaitement maîtrisé !

Une stratégie bien précise

« Aller chercher l’excursionniste à deux heures aux alentours du périmètre géographique » : tel est le défi que s’est lancé le musée dans la définition de sa nouvelle stratégie.

Celle-ci a pour but de ré-accrocher le spectateur, re-mobiliser son attention et le surprendre.

Diverses actions ont été mises en place au niveau de la communication du musée pour mener à bien cette stratégie.

Dans un premier temps, une présence active sur les réseaux sociaux. C’est à travers ces différents canaux (Instagram, Twitter, LinkedIn et Facebook) que les visiteurs sont les plus réactifs. C’est également par ce biais qu’ils peuvent poser des questions au niveau des prix ou encore des contraintes sanitaires. Le côté décalé du musée lui a permis de changer son image et a permis aux visiteurs de s’intéresser de nouveau au MuséoParc Alésia. Une stratégie de communication qui a plutôt bien fonctionné ces dernières années puisque le musée a réussi à accroître grandement sa fréquentation, avec un pic de visiteurs en 2019 qui a atteint les 80 000 personnes.

À travers cette nouvelle stratégie, le message que veut véhiculer le musée se dessine : 

« On veut montrer aux gens que passer quelques heures dans un musée est une expérience sympa et pas ennuyante, où l’on peut apprendre quelques petites choses intéressantes. Le but c’est d’ouvrir à la curiosité ».
Michel Rouger
Directeur général du MuséoParc Alésia
Instagram de MuséoParc Alésia
Crédit photo : Instagram de MuséoParc Alésia

Un public ciblé

Si certains musées sont plutôt destinés uniquement aux enfants ou encore à des passionnés d’art, ce n’est pas le cas du MuséoParc Alésia. En effet, le musée va davantage cibler un public familial avec une prise de parole plutôt décalée dans le but de toucher tout le monde.

« Certains sites historiques ciblent plus le public scolaire, d’autres seront plutôt troisième âge. Nous, nous avons décidé de nous axer sur le public familial et de composer notre offre en ce sens ».
Michel Rouger

Cependant la part du public étranger n’est pas à négliger, souligne le directeur du musée. Environ 15% d’étrangers se rendent au MuséoParc sur une année, ce qui implique de le rendre accessible à tous. Tout le parcours d’exposition est donc traduit en anglais et en allemand. Lors de la période estivale, des visites guidées ou des « top chrono » peuvent être réalisés dans une langue précise. En plus de cela, le staff en interne est capable de proposer des visites guidées en anglais et en allemand pour des groupes importants.

Mot d’ordre : Innovation

Un changement radical pour un musée à la pointe de l’innovation. Comme expliqué précédemment, cette remise à neuf de l’établissement ouvre la voie à un parcours de visite interactif et ludique, grâce notamment à des ateliers utilisant une technologie particulière. Capture de mouvements, écrans interactifs, vidéos avec image et son en haute qualité, jeux d’ombre et de lumière… Le musée a ainsi fait le choix de miser sur l’innovant et le surprenant pour attirer un nouveau public et proposer un contenu rarement vu au sein d’une collection historique. Le MuséoParc joue avec la nouveauté pour raconter le passé, et c’est une stratégie qui porte ses fruits d’après les nombreux retours positifs, mais cela se ressent également dans la stratégie digitale.

« Ce qui est important sur la place des nouvelles technologies, c’est de toujours avoir des dispositifs qui soient utiles au propos ».
Michel Rouger

Bien entendu, Michel Rouger aime à rappeler que cela ne constitue pas le cœur de la scénographie. Il était en effet important au vu de la cible principale, à savoir le public familial, de pouvoir toucher un maximum de monde en proposant toujours des choses traditionnelles et basiques. Une maquette classique aura ainsi un intérêt plus prononcé pour certaines personnes, lorsque d’autres seront intéressées par un buste animé de jeux de lumière. Pour le directeur du musée, les nouvelles technologies sont donc un avantage certain, mais la diversité des activités permettra d’attirer un panel plus important de visiteurs.

MuséoParc
Crédit photo : Sébastien Pitoizet

Communiquer l’histoire, comparaison de deux stratégies

Le MuséoParc Alésia n’est pas le seul musée historique en Bourgogne, ni le seul à faire le choix d’une rénovation totale de sa scénographie. Fondé en 1971 à la Citadelle de Besançon, le Musée de la Résistance et de la Déportation inaugure son parcours de visite en 1982 grâce à l’initiative de Denise Lorach, résistante bisontine. La collection du musée ne va alors jamais cesser de grossir et possède désormais une réserve conséquente d’objets historiques, constituée principalement par des dons. Le lancement en 2019 de la campagne « Collecte 39-45 » illustre parfaitement le lien qu’entretient le musée avec son public, en faisant appel aux particuliers pour enrichir la collection et sauvegarder l’histoire commune autour de cette période.

Ce musée joue ainsi énormément avec la participation citoyenne, et cherche donc l’interaction pour que le public s’approprie cette exposition. Interaction également recherchée au sein du MuséoParc, et en règle générale dans la plupart des établissements culturels. La différence avec le musée d’Alésia se trouve sur la période évoquée : l’histoire de la Gaule est en effet lointaine et spécifique ici à un lieu donné, Alésia, il faut donc pour ce dernier trouver une autre façon d’interagir avec les citoyens. De plus, là où la Seconde Guerre Mondiale concerne l’ensemble du territoire français, la bataille d’Alésia se situe sur un lieu précis.

Une similitude cependant ressort de cette analyse : tout comme le MuséoParc, le Musée de la Résistance et de la Déportation se trouve sur un lieu emblématique, à savoir la Citadelle. Ces lieux vont avoir un rôle important à jouer dans la communication des deux institutions, puisqu’il ne sera plus seulement intéressant de communiquer sur l’établissement en lui-même, mais aussi sur son environnement proche.

Comme discuté plus haut, nous trouvons une autre similarité : la volonté du musée de se rénover et d’offrir au public une scénographie complète, adaptée à son époque et accessible à tous. L’objectif principal, à travers de nouveaux espaces et scénographies, sera de mieux valoriser les collections et d’exposer des objets non visibles jusqu’à présent, souvent faute de place. Le futur musée proposera donc des expositions temporaires et présentera également sa collection d’art en déportation, unique en Europe.

Comme expliqué sur le site du musée : « Son exposition permanente entièrement remodelée proposera, à travers une riche sélection d’archives et d’objets, une plongée dans la complexité de la période de la Seconde Guerre mondiale. Elle illustrera le parcours de femmes et d’hommes happés par l’histoire, depuis la mise en œuvre du projet nazi en Allemagne jusqu’à la Libération et ses lendemains ».

Le Musée de la Résistance et de la Déportation est amené à rouvrir ses portes en 2023.

Pour aller plus loin