Longtemps associée à la culture du café, la Colombie a vu son image internationale profondément transformée à partir des années 1980, sous l’effet de la montée du narcotrafic. Elle évoque souvent, dans l’imaginaire collectif, un pays dominé par les cartels et la drogue, les figures comme Pablo Escobar, la violence et l’insécurité. Pourtant, depuis plus de vingt ans, la Colombie a entamé de profonds changements, améliorant nettement sa sécurité, son économie et son attractivité touristique. Mais l’ombre de ce passé semble encore difficile à effacer.
Malgré ces avancées notables, pourquoi ces stéréotypes persistent-ils si fortement, alors même que la Colombie a réussi à se reconstruire et à se réinventer sur la scène internationale ?

L’héritage du narcotrafic
L’image de la Colombie est profondément marquée par les années de violence engendrées par le narcotrafic. Pablo Escobar, chef du cartel de Medellín, a dominé le commerce de la cocaïne dans les années 1980, ce qui a fait de lui le criminel le plus riche de l’histoire. Ses méthodes étaient brutales : corruption de fonctionnaires, violence extrême et élimination de ses opposant·e·s sous la menace du « plata o plomo » (l’argent ou la mort). En menant une guerre ouverte contre l’État, il a plongé le pays dans une insécurité permanente, multipliant assassinats, attentats et enlèvements. L’impact a été dévastateur, aggravant la pauvreté, forçant le déplacement de populations et fragilisant l’économie colombienne. Bien que tué par la police en 1993, Escobar a laissé un héritage complexe : si certain·e·s voient en lui un sauveur des classes populaires en raison de l’argent de la drogue qu’il redistribuait aux plus défavorisé·e·s, la majorité du pays a souffert d’un quotidien rythmé par les fusillades, la violence et la peur. Dans les années 1980-1990, la Colombie était considérée comme l’un des pays les plus dangereux de la planète. En effet, entre 1989 et 1993, Escobar aurait été responsable de la mort de plus de 5000 personnes.

Parallèlement, les FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie) ont également contribué à façonner l’image négative du pays sur la scène internationale. Initialement créées en 1964 comme un mouvement de guérilla marxiste, elles se sont rapprochées du monde du narcotrafic, pratiquant enlèvements et extorsion de fonds. L’un des épisodes les plus marquants fut l’enlèvement d’Ingrid Betancourt en 2002, candidate à la présidence franco-colombienne, retenue captive pendant plus de six ans. Cet événement, largement médiatisé en France et dans le monde, a renforcé l’image d’une Colombie gangrenée par l’insécurité.
Les productions culturelles, en particulier les films, séries et musiques actuelles jouent un rôle dans cet héritage. Parmi les productions les plus influentes, Narcos, sorti en août 2015, occupe la place centrale. 4 jours après sa sortie, la série cumulait déjà plus de 113 millions d’heures vues sur la plateforme Netflix. Elle retrace l’ascension et la chute de Pablo Escobar, en mettant en scène son règne sur le narcotrafic. Si elle a permis à un large public de découvrir l’histoire de la Colombie, elle a aussi contribué à figer le pays dans cette période sombre. Côté film, le biopic Escobar ou encore le film Loving Pablo, tous deux sortis en 2017, nourrissent cette fascination du monde pour le personnage de Pablo Escobar et pour les cartels.
Ce phénomène dépasse l’univers du cinéma et des séries : il s’étend également à la musique. Certains artistes de rap et de musique urbaine en France surfent sur ce phénomène. Pour évoquer des thèmes sombres comme la drogue, les gangs, la violence armée etc, ces artistes n’hésitent pas à évoquer la Colombie et utiliser des références au narcotrafic. On peut notamment citer le titre Medellin du rappeur Niska (2017), faisant référence à la ville autrefois fief d’Escobar, ou encore Cartel de Cali du groupe de rap L2B (2018) évoquant l’influence du cartel du même nom.

Ces idées reçues largement relayées par la culture populaire reposent sur une vision simplifiée de la réalité. En mettant en avant certains événements tout en en oubliant d’autres, elles finissent par figer une certaine image du pays dans l’imaginaire collectif.
Pour mieux comprendre l’impact des stéréotypes sur l’image de la Colombie, j’ai posé des questions à Sebastián Ricardo Espindola, un jeune colombien originaire de Bucaramanga. Installé aujourd’hui à Porto, où il travaille comme réceptionniste dans un hôtel, Sebastián est passionné par les langues et les cultures étrangères. Par ses expériences, il a rencontré des personnes du monde entier, il nous partage son point de vue sur l’image de son pays à l’international.
“Je divise les étranger·ère·s en trois groupes selon leur perception de la Colombie. Le premier groupe, ce sont ceux que j’ai rencontrés en Colombie. Eux savaient déjà à quoi s’attendre : où aller, quoi visiter, quels étaient les risques. La plupart avaient conscience que le pays avait énormément changé, que la violence avait diminué, et ils venaient pour profiter de tout ce qu’il avait à offrir. Presque tou·te·s ont été marqué·e·s par la beauté des paysages et surtout par la chaleur et l’hospitalité des Colombien·ne·s. Le deuxième groupe, ce sont ceux que j’ai rencontrés en voyage, notamment en Europe. Beaucoup m’ont demandé si la Colombie était un pays sûr à visiter. Ma réponse a toujours été la même : bien sûr ! Comme partout, il y a des endroits à éviter, mais à moins de vouloir absolument s’y aventurer, il n’y a aucune raison d’y mettre les pieds.
Enfin, il y a les autres. Ce sont ceux qui m’agacent le plus : ceux qui n’ont jamais voyagé et qui se contentent de répéter ce qu’ils entendent à la télé. Ceux-là sont les plus fermé·e·s d’esprit. Pour eux, la Colombie est un pays dangereux à cause de la drogue, et ils ne cherchent même pas à vérifier si cette image est encore valable aujourd’hui. Ils n’ont aucune curiosité, aucun désir de comprendre au-delà des clichés. Certains vont même jusqu’à croire qu’on vit dans des cabanes en pleine jungle ! Ce qui est triste, c’est qu’ils passent à côté de quelque chose d’unique.”
La Colombie aujourd'hui : un pays transformé
La Colombie d’aujourd’hui a nettement progressé dans de nombreux domaines. Tout d’abord la sécurité. Au cours des dernières années, le taux de criminalité en Colombie a connu une baisse significative. En 2020, le taux d’homicides a atteint son chiffre le plus bas depuis 1974, avec 24 homicides pour 100 000 habitants. Bien que ce chiffre demeure plus élevé que celui de nombreux pays développés, il est un signe clair des progrès réalisés dans le pays. À titre de comparaison, le taux d’homicides aux États-Unis est de presque 7 pour 100 000 habitants.
Le gouvernement colombien a déployé des efforts importants pour parvenir à un accord de paix avec les FARC, afin de mettre fin définitivement au conflit. Il reste encore des défis à relever pour réduire davantage la criminalité dans le pays mais les avancées sont notables.
Sur le plan économique, la Colombie a démontré une certaine résilience. En 2022, le secteur du tourisme a contribué à hauteur de 14,9 milliards de dollars au PIB national, surpassant de 2,6 % les chiffres de 2019. De plus, ce secteur représente désormais 1,25 million d’emplois, soit 5,6 % de l’emploi total dans le pays. Le pays a su mettre en avant la richesse de sa culture et de ses paysages pour enfin le faire découvrir au monde. L’an dernier, plus de 6,6 millions de voyageur·euses internationaux·ales ont visité la Colombie, soit une hausse de 8,5 % par rapport au record établi en 2023.
Il abrite une grande variété d’écosystème et de paysages : plages, forêts, montagnes, reflétant une biodiversité remarquable s’agit du pays le plus diversifié en matière d’espèces d’oiseaux, d’orchidées et de papillons. Vous pouvez y trouver de nombreuses réserves naturelles et parcs nationaux. La Colombie possède aussi une culture et un patrimoine riches, présents à travers ses danses, ses festivals, ses arts traditionnels et sa gastronomie.


“C’est un trésor qui n’attend qu’à être découvert. Un véritable paradis” nous confie Sebastián. “Quand on cherche des photos de la Colombie, on est toujours surpris par tout ce qu’il y a à voir. Et comment ne pas l’être, sachant que c’est le deuxième pays le plus biodiversifié au monde ? Moi-même, j’ai abandonné pendant six ans l’idée de visiter d’autres pays, car je découvrais sans cesse de nouveaux endroits en Colombie que je voulais explorer.” Il ajoute : “Comme n’importe quel pays, la Colombie a ses aspects négatifs, mais face à tout ce qu’elle a de positif, c’est sans aucun doute une destination qui vaut la peine d’être découverte.”
Conclusion
Longtemps réduite à son passé et aux stéréotypes qui en découlent, la Colombie s’affirme aujourd’hui comme un pays en pleine transformation. Son dynamisme économique, la croissance du tourisme et l’amélioration de la sécurité témoignent de son évolution. Mais au-delà de cela, c’est une terre d’une grande richesse : des montagnes des Andes aux plages des Caraïbes, en passant par l’Amazonie, elle offre une diversité naturelle et culturelle unique. Plutôt que de s’arrêter aux clichés, il est temps de découvrir la Colombie telle qu’elle est réellement !
Claire LE GUENNEC
Sources
https://www.slate.fr/story/173736/colombie-medellin-pablo-escobar-narcotourisme
https://www.zerodeconduite.net/article/mais-pourquoi-pablo-escobar-nous-fascine-t-il-autant
https://journals.openedition.org/viatourism/8888
https://www.courrierinternational.com/article/colombie-pablo-escobar-le-circuit-touristique-de-trop
https://umvie.com/taux-de-criminalite-en-colombie-analyse-statistiques-et-tendances-recentes/