Nous voici déjà au sixième épisode du Curious Live, l’émission créée par les étudiant·es du Master MASCI, sur le thème cette année du patrimoine en Bourgogne. Cette fois-ci, Etienne et Camille sont accompagné·es de Valentina, Cindy et Tory pour vous parler photographie. À cette occasion, les étudiant·es ont eu l’opportunité de rencontrer Marielys Lorthios, photographe et styliste spécialiste de l’univers culinaire.

«La photographie est un regard sur le monde dont le flux des émotions passe par le cœur, alors on fixe l’instant T, pour l’éternité»
Bruno Toffano

La photographie à travers les années

Plus de deux siècles d’inventions séparent la première image figée, son développement, les premières photographies en noir et blanc, et aujourd’hui les photographies en couleurs capturées par des téléphones portables.

Pour comprendre davantage, revenons aux prémices de la photographie, lorsque celle-ci a connu quelques embûches. D’abord mal accueillie par le monde artistique et les peintres en particulier, qui la considèrent comme un danger pour leur art, il faudra attendre quelque temps avant que la photographie soit reconnue comme un art en tant que tel par le public.

Quelques décennies plus tard, le monde politique voit en elle un moyen efficace d’exprimer son pouvoir. La grande propagande par la photographie fera les beaux jours des régimes politiques des XIX et XXe siècles. Le monde scientifique trouvera également grâce à elle la possibilité d’enrichir ses connaissances et d’aller plus loin dans ses recherches. Aujourd’hui, on ne peut plus imaginer un monde sans photos.

Première photographie prise par Nicéphore Niépce
Point de vue du Gras, la plus ancienne photographie conservée, réalisée par Nicéphore Niépce en 1827

Quand on revient en Bourgogne, on pense immédiatement à sa viticulture, sa gastronomie et même son patrimoine architectural. En réalité, de nombreuses personnes oublient que cette région est le berceau de la photographie. Des personnes illustres, et natives de la Bourgogne- Franche Comté, ont marqué un tournant dans l’histoire de la photographie. Qu’il s’agisse du beaunois Étienne-Jules Marey et sa mise au point de la chronophotographie (l’analyse du mouvement par la photographie) ou encore les deux frères Auguste et Louis Lumière, tous deux issus de Besançon, avec la création de la première photographie en couleur, ils sont tous entrés dans l’histoire de cet art.

Le plus célèbre reste néanmoins le Chalonnais Nicéphore Niépce connu pour avoir été l’inventeur de la photographie. En 1816, il commence ses recherches sur un sujet qui le passionne : la fixation des images. Il développe la technique de l’héliographie (procédé combinant le transfert d’un positif photographique sur un vernis photosensible, avec une technique de gravure). Celles-ci seront considérées comme les premières photographies. Un musée a également ouvert à Chalon-Sur-Saône dans lequel il est possible de découvrir l’histoire de la photographie depuis son invention par Niepce jusqu’à l’image numérique d’aujourd’hui.

Un outil de communication à part entière

Chaque région de France cherche à inviter le plus grand nombre de personnes à visiter son territoire. De plus en plus d’entre elles n’hésitent pas à utiliser la photographie comme outil de communication pour mettre en valeur de la meilleure façon possible leur patrimoine. La Bourgogne-Franche-Comté en est un exemple réussi : cette région au patrimoine exceptionnel a décidé de mettre en place, il y a quelques années, une campagne de communication affichée dans le métro parisien pour exposer son territoire.

«On a tous une raison d’aller en Bourgogne»

Créée par l’office de tourisme de Bourgogne Franche-Comté, la campagne «On a tous une raison d’aller en Bourgogne» a connu un franc succès. Effectivement, les offices de tourisme sont les reflets du territoire, le premier endroit où se réfugient les touristes. De magnifiques clichés des plus beaux endroits de la région sillonnaient la capitale. Pourquoi avoir choisi cette option ? De nos jours, les touristes ont besoin d’en avoir plein les yeux, d’avoir l’impression de déjà commencer à voyager avant même d’y être. Le but était donc ici de les emmener en voyage à travers de très belles images et slogans accrocheurs qui leur permettraient de se souvenir de cette région. En vantant, bien évidemment, tous les mérites et atouts de notre chère région comme son patrimoine d’exception, ses vignobles ou encore sa gastronomie dont on parle même dans le monde entier.

Affiche de communication Bourgogne Tourisme
Crédit photo : DR

Campagne du BIVB

Pour sublimer un territoire tel que celui de la Bourgogne-Franche-Comté, les photos apparaissent comme un outil incontournable pour attirer les voyageurs voire même les consommateurs en ce qui concerne les entreprises locales. Comme nous l’avions évoqué dans une précédente émission (Accord mots et vin : Comment communiquer le vin à l’ère du digital), ce qui attire aujourd’hui les consommateurs est le storytelling. Leurs attentes : être emportés, touchés, émus par une histoire. Et c’est là que les photos ont un rôle à jouer ! Le pouvoir narratif de ces dernières permet à chaque individu de prendre connaissance de l’univers que l’on cherche à lui présenter. De belles images donneront forcément plus envie aux individus d’acheter ou au moins de tester le produit de l’entreprise. Voyez cet exemple : en août 2021, le BIVB (Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne) a lancé une nouvelle campagne de communication où la photo était l’élément central pour inciter les consommateurs à déguster les vins bourguignons. La publicité a rencontré un grand succès lors des pré-tests organisés par le BIVB avec le concours de l’Institut Repères/Impact Mémoire.

Zoom sur l’univers culinaire

La photographie joue un rôle primordial tant dans l’univers touristique que dans l’univers culinaire. Ce dernier est bénéficiaire de cet art en ce qui concerne sa communication et sa diffusion. La photographie culinaire est même un art à part entière : c’est la capacité à styliser son environnement avec des clichés percutants. Choix des fonds, de la lumière, des accessoires, des couleurs et des contrastes, tout est réfléchi. Dans cet art, deux tendances se dessinent et coexistent : les photographies “lumineuses”, pensées minimalistes et révélant la nature délicate du sujet, et les photographies “obscures” qui se focalisent davantage sur la mise en valeur des éléments pour un rendu professionnel et artistique.

Le rôle de la photographie culinaire : créer une ambiance. Là où les lieux touristiques se suffisent à eux même, les produits mis en scène dans la photographie culinaire doivent raconter une histoire pour inciter à la consommation. Ce qui compte, c’est que la photographie fasse rêver, le spectateur doit sentir la vie autour du plat et même s’imaginer le manger, au restaurant ou pendant un dîner entre amis. La clé pour une photographie culinaire réussie : transmettre des émotions.

Photos culinaires de Marielys Lorthios
Crédit photo : Marielys Lorthios
«Je photographie des produits alimentaires bruts et les mets en ambiance de façon à montrer leur qualité, donner envie aux consommateurs. La réalisation des photos de recettes est très inspirante, le message visuel inclut la notion de surprise, de plaisir partagé, de transmission des goûts et bien sûr, de gourmandise…»
Marielys Lorthios
Photographe et styliste culinaire

Quand les réseaux sociaux s’emparent de la photographie

Ce n’est plus un secret : aujourd’hui, pour promouvoir un territoire, les réseaux sociaux sont devenus un véritable allié. De belles mises en scènes accompagnées de jolies couleurs, rien de mieux pour faire rêver les vacanciers. Le voyageur, avide de découvertes et d’aventures sera forcément plus enclin à se rendre dans un pays, une région ou même une ville s’il voit de belles photos qui le transportent et le font rêver.

«Nous sommes absolument dans une société de communication par l’image. C’est le point de départ des réseaux sociaux, leur fonctionnement même repose sur l’image.»
Marielys Lorthios
Photographe et styliste culinaire
Feed instagram de destination dijon
Crédit photo : Instagram

Instagram reste la référence en matière de réseau social : c’est LE réseau des photographes tant professionnels qu’en herbe. Ses utilisateurs partagent leur quotidien et leur environnement, promouvant les territoires dans le même temps. Les offices de tourisme ont donc saisi cette opportunité en plein vol, et ont désormais tous leurs propres comptes sur les réseaux sociaux, et en particulier sur Instagram. Il n’y a pas meilleur moyen pour attirer les visiteurs que de les plonger dans l’univers de la ville, du département ou de la région. L’avantage des réseaux sociaux ? Leur portabilité ! Grâce aux applications mobiles, les futurs visiteurs peuvent rechercher et découvrir les territoires, où qu’ils se trouvent.

Les marques saisissent l’opportunité

Le monde de l’influence a su s’approprier la photographie pour vendre des destinations, des produits ou même des services. Les marques l’ont très vite compris. Si parfois les influenceurs ne sont pas payés et photographient leur lieu de vacances ou leur plat préféré de leur propre volonté, d’autres fois ils sont engagés par une marque, un hôtel, un office de tourisme pour créer du contenu et attirer de nouveaux touristes ou consommateurs. Les offices de tourisme sont conscients qu’aujourd’hui, faire rêver le consommateur est un réel atout. Le rôle des influenceurs est donc d’une très grande importance car chacun apportera son style, sa manière de mettre en avant la destination ou le produit, et quelque part, de s’exprimer à travers les images.

«Les clients font appel à vous pour votre style, votre regard, votre façon de voir les choses et de faire des images»
Marielys Lorthios
Photographe et styliste culinaire

Pour aller plus loin

  • L’instragramisme

Et si les territoires se transformaient pour correspondre aux codes des réseaux sociaux ? De plus en plus de lieux sont aujourd’hui pensés pour convenir aux standards de ces outils numériques, des musées aux restaurants, en passant par des endroits touristiques. Une tendance qui atteste de l’importance que prend l’influence dans le monde, et qui reflète ce qu’on appelle désormais la culture visuelle d’Instagram, ou comme le nomme Lev Manovich, chercheur à la City University of New York : “l’Instagramisme”. Selon lui, l’esthétique qui se dégage des photographies mise sur un partage de sentiments, ou un “mood” en anglais. Les images de différentes villes, de différents pays, de différents territoires se confondent et vont révéler des similarités, malgré des différences culturelles importantes. Les plateformes, et notamment Instagram, ont ainsi involontairement imposé des normes en termes de contenus et de genres, auxquelles les marques doivent se plier pour espérer exercer une quelconque influence. Il est nécessaire pour ces dernières de saisir la différence entre une photographie publicitaire, dans laquelle l’objet sera mis en avant, et une photographie personnelle postée sur la plateforme, où il sera surtout question d’atmosphère et d’émotions.

La principale difficulté pour les marques consiste donc à créer un style particulier en adéquation avec ses valeurs, et à se rapprocher d’influenceurs dont le propre univers concorde avec les objectifs et les attentes visuelles de celles-ci.

Pour en savoir plus sur le sujet, vous pouvez consulter l’interview de Lev Manovich menée par l’Obs : https://www.nouvelobs.com/rue89/rue89-sur-les-reseaux/20160705.RUE3320/lev-manovich-instagram-est-le-premier-media-de-masse-poetique.html

Sources

  • https://www.le-pays.fr/clayette-71800/loisirs/la-saone-et-loire-a-laffiche-a-paris-dans-le-metro_13969392/ 
  • https://www.francebleu.fr/infos/insolite/la-cote-d-or-a-l-honneur-dans-le-metro-parisien-1553155214 
  • https://winesup.fr/campagne-communication-bivb-bureau-interprofessionnel-vins-bourgogne-tbwaconcept-magazine-presse-terroir-parcelles-climats-7448/ 
  • https://bicyclettedepaul.fr/de-la-vigne-a-lecran-pourquoi-les-vignerons-doivent-ils-developper-leur-strategie-digitale/