Octobre est terminé et avec celui-ci, les campagnes de sensibilisation au cancer du sein. Mouvement reconnu partout dans le monde, nous n’avons plus besoin de présenter Octobre Rose, importé en France en 1992 par Evelyn H. Lauder, Vice Présidente d’Estée Lauder. En s’associant avec la ligue contre le cancer, il a pour but de lutter contre le cancer, à travers la prévention et la promotion des dépistages, l’accompagnement des personnes malades et de leurs proches et d’encourager aux dons.  Novembre est quant à lui le mois consacré au mois sans tabac en France. Mais pas seulement. Depuis peu, c’est un nouveau mouvement qui a fait son apparition pour sensibiliser les hommes au dépistage des cancers masculins comme le cancer de la prostate et le cancer des testicules. Venant d’Australie, le mouvement Movember prend de l’ampleur et débarque en France.

En novembre, le tabac tu ne toucheras pas !

Lancé en novembre 2016 par l’Assurance Maladie, le mois sans tabac est inspiré de l’initiative anglaise Stoptober créée par Public Health England. Cet événement est porté par plusieurs acteurs de la santé en France comme le ministère des Solidarités et de la Santé, Santé publique France et le site Tabac-Info-Service. Ce challenge collectif propose aux fumeurs qui le souhaitent d’arrêter la consommation de tabac pendant 1 mois. Bien entendu l’objectif principal de cette initiative est l’arrêt définitif de la cigarette puisque l’arrêt du tabac  pendant 30 jours multiplierait par 5 les chances d’arrêter de fumer définitivement. Pour accompagner les fumeurs dans ce challenge, le site Tabac-Info-Service vous propose de rejoindre une communauté qui vous aidera durant ce défi et vous donne aussi la possibilité de commander un kit d’aide à l’arrêt.

Mois sans tabac
Crédit photo : Ajaccio.fr

Pour promouvoir ce défi partout en France, de nombreux moyens de communication sont mis en place sur différents canaux. Une large communication est déjà réalisée en amont de cet événement afin de promouvoir le mouvement et de motiver les fumeurs français à relever ce défi. Les principaux groupes audiovisuels français ont notamment sélectionné des parrains et marraines pour représenter ce challenge : Christophe Beaugrand-Gérin (Groupe TF1), Adriana Karembeu (France Télévisions) et Stéphane Plaza (Groupe M6). Ces chaînes proposent aussi des émissions et des actions en faveur de la lutte contre le tabagisme et de l’arrêt de la cigarette. De plus, des spots sonores et vidéos en rapport avec l’opération sont aussi relayés.

Depuis le début du challenge, le site Tabac-Info-Service propose aussi un large éventail de supports de communication pour promouvoir le défi et accompagner les fumeurs. Une application a notamment été lancée pour suivre en direct l’évolution de sa consommation, voir les bénéfices pour sa santé et son porte-monnaie, mais aussi obtenir des conseils pour tenir sans tabac durant ces 30 jours. Si vous vous sentez seul pendant ce défi, vous pouvez aussi vous rendre sur la page Facebook du mouvement pour rejoindre une communauté de fumeurs ou ex-fumeurs qui seront là pour vous donner des conseils.

Kit pour arrêter de fumer
Crédit photo : e-cigmag.com

De nombreuses marques spécialisées dans la diminution ou l’arrêt du tabac se sont aussi emparées du mouvement pour promouvoir leurs produits : Nicorette la célèbre enseigne de patchs ainsi que de nombreuses marques ou vendeurs de cigarettes électroniques.

Le tabagisme représente la première cause de mortalité prématurée et de maladies évitables dans le monde. La Grande-Bretagne a notamment prouvé que les campagnes de marketing social pouvaient avoir un réel impact sur la consommation de tabac de ses citoyens. Depuis 2012, année de lancement du mouvement “Stoptober” plus de 2 millions de Britanniques ont tenté le défi. La France n’a pas à rougir devant ces chiffres puisqu’elle comptait 784 000 inscrits entre 2016 et 2020. Ces résultats encourageants attestent donc du courage et de la motivation des Français et des Britanniques qui relèvent ce défi certes complexe, mais qui finalement, n’apporte que du positif à tous les participants.

Les quelques limites du Mois sans Tabac

Malgré de nombreux atouts, le mouvement porté par le site Tabac Info Service comporte tout de même quelques limites. Premièrement, si de 2016 à 2018, le mois sans tabac à prouvé son efficacité avec une baisse de 5,4% de la prévalence du tabagisme quotidien sur les 18-75 ans, la tendance semble s’inverser aujourd’hui. En effet, depuis, les chiffres ont stagné sur la période 2018 – 2020 (+0,1%) et même augmenté significativement entre l’année 2019 et 2020 (+1,5%).  Reste à voir si ce changement de tendance se confirme dans les années à venir. Une autre limite du Mois Sans Tabac est que le mouvement renvoie très souvent les fumeurs à adopter d’autres pratiques pour compenser leur manque de nicotine. Ceux-ci se tournent alors naturellement vers la cigarette électronique dont on ne connaît pas encore l’impact sur la santé. Si elle est considérée par la plupart des spécialistes comme moins nocive que sa consoeur, la e-cigarette et ses effets sur la santé à long terme restent une inconnue faute d’étude sur ce tout jeune produit. Enfin, combattre une addiction pour s’en créer une autre peut être vu comme quelque chose de paradoxal. Un autre élément qui peut s’avérer dangereux avec le Mois Sans Tabac est l’aspect ludique autour de l’événement. Même si les actions menées ont une visée pédagogique et vertueuse, elles ont tendance à dédiaboliser une question de santé sérieuse. L’arrêt, et de fait, la reprise de la cigarette peuvent être abordés comme un jeu et non plus comme un acte sérieux traitant d’un problème de santé publique. Enfin, la dernière limite est certainement le caractère éphémère de l’action qui peut inciter les personnes à reprendre leurs anciennes habitudes une fois le mois de novembre terminé. Malgré ces quelques limites, Le Mois Sans Tabac n’en reste pas moins un événement disposant de canaux de communication très puissants lui permettant d’attirer chaque année plus de participants, et cela pour une bonne cause.

Movember, moustache power !

Le phénomène Movember est une initiative de deux amis australiens : Travis Garone et Luke Slattely. Ce mouvement est né du simple constat que la moustache, considérée comme démodée, faisait parler d’elle. En 2003, les deux camarades se lancent le défi de trouver 30 hommes prêts à ne pas se raser la moustache pour la remettre au goût du jour. Au vu de l’engouement et des réactions générées, ils créent en 2004 un site internet permettant de récolter des fonds, qu’ils choisissent de reverser à la Prostate Cancer Foundation of Australia. D’années en années, Movember garde son impulsion et devient un événement fédérateur, véritable symbole et porte-parole de la sensibilisation à la santé masculine, en Australie, puis à travers le monde.

Le Movember Foundation Charity voit officiellement le jour en 2007 avec comme objectif d’attirer l’attention sur les maladies masculines qui demeurent taboues. Ainsi, la fondation œuvre pour récolter des fonds pour la recherche médicale relative aux cancers de la prostate, des testicules, de la santé mentale et la prévention du suicide chez les hommes. Aujourd’hui, le cancer de la prostate représente un quart des cancers chez les hommes. C’est également le troisième cancer le plus meurtrier. Le cancer des testicules, quant à lui, représente le cancer qui touche le plus les hommes de moins de 35 ans.

Pour participer au mouvement et exprimer son soutien, c’est très simple. Il suffit de s’inscrire sur le site internet de la fondation, movember.com, et par conséquent de s’engager à deux principes : arborer fièrement la moustache tout le mois de novembre et inciter à récolter des dons via les réseaux sociaux, devenant alors un « Mo bro » pour les hommes et une « Mo sista » pour les femmes. 

La success story social media de la moustache

Movember
Crédit photo : instagram.com

En 2020, la vague Movember a rassemblé 394,650 participants et a permis de recueillir 83.4 millions d’euros de dons. La force de cette mobilisation réside dans son caractère viral et dans sa stratégie basée sur l’engagement individuel et sur l’usage de relais d’opinion sur les réseaux sociaux. On estime que 93% de la visibilité en ligne du mouvement est générée par Facebook, Twitter et Instagram. Movember a engendré plus de 360 000 posts sur les différents médias sociaux et on estime le nombre d’impressions du phénomène à plus de 4 milliards. De tels chiffres ne pourraient être atteints sans ce que l’on appelle le user generated content ou, en français, le contenu généré par les utilisateurs. Les fortes valeurs communautaires du mouvement incitent tout un chacun à partager fièrement son engagement pour la cause de façon spontanée ou encouragée par un relai d’opinion.

En effet, nombreuses sont les personnalités qui se joignent au mouvement Movember, permettant à différentes communautés d’être engagées. Les influenceurs ayant engendré le plus d’interactions sont le bloggeur anglais Joe Sugg, l’association polonaise de football, le hockeyeur canadien Auston Matthews et le youtubeur français Anil Brancaleoni qui s’associe à la marque Gilette pour exprimer son soutien.

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Crédit photo : culture-rp.com
AustonMatthenews
Crédit photo : culture-rp.com
Laczynaspilka
Crédit photo : culture-rp.com
Anilbrancaleoni
Crédit photo : culture-rp.com

Au bout du compte, nous pouvons dire que le succès du mouvement Movember, au-delà de son caractère de santé publique, est lié à l’usage de différentes stratégies social media se complétant les unes les autres. 

Qui est réellement concerné par le Movember ?

Pour toutes les raisons mises en avant plus haut, le Movember a tout d’un mouvement fédérateur et plein de bon sens. Cependant, il comporte quelques limites. En se servant du symbole de la moustache pour rassembler et mettre en avant l’événement, c’est l’occasion de mettre de côté de nombreux acteurs qui pourraient aider à donner de la visibilité aux maladies dîtes masculines. En effet, les femmes ne peuvent participer à ce challenge, mais ce ne sont pas les seules. Il écarte par la même occasion les hommes ayant une pilosité ne permettant pas de participer ou encore la communauté LGBTQI+. Évidemment, rien ne les empêche à proprement parler de rejoindre le club des moustachus, ne serait-ce qu’une journée, mais rien ne les encourage non plus. La binarité du challenge mérite d’être adaptée à la pluralité des individus.

Ayant conscience d’exclure une partie de la population, la fondation a mis en place le Move en Movember ainsi que le Mo-ment. Ces nouveaux événements permettent d’inclure tout le monde mais également d’encourager plus d’individus à participer au moyen de courses ou de marches ou même de barbecue. Le but étant avant tout de sensibiliser et de récolter des fonds.

Même s’il y a quelques années, le mouvement était peu construit et que l’on ne comprenait pas bien le but de se laisser pousser une moustache, il a su prendre de l’ampleur. Toutefois, il y a encore trop peu voire pas du tout de campagnes de sensibilisation à ces maladies. Apporter l’information auprès des personnes concernées paraît primordiale et plus qu’urgente. La sensibilisation devrait être au cœur du mouvement afin de donner les bonnes pratiques pour se faire dépister et agir au bon moment. De plus, le fait que l’association aborde en même temps, le cancer de la prostate, du testicule et les maladies mentales chez les hommes, peut paraître confus car il ne cible pas une seule cause comme peut le faire Octobre Rose.

Le Mois sans Tabac vs Movember

Si l’on compare la portée de ces deux mouvements dans l’Hexagone, nous nous apercevons que Le Mois Sans Tabac surpasse Movember en matière de notoriété, bien que ce dernier soit de 16 ans l’aînée du premier cité. Afin de comprendre cette différence de succès, il est intéressant d’aborder dans un premier temps la cible du message. Le Mois Sans Tabac concerne une population multisexe et importante, représentant un quart de la population française âgée entre 18 et 75 ans. De son côté, Movember s’adresse à un public plus restreint, car uniquement masculin. Ensuite, le cancer de la prostate se déclare dans la grande majorité des cas après 70 ans, ce qui réduit la cible à un fragment de la population touchée par cette maladie. Si le cancer des testicules se manifeste fréquemment plus tôt, il ne concerne tout de même qu’une simple fraction de la population. Moins impliquant et même parfois excluant, Movember peine plus de le Mois Sans Tabac à générer de l’engagement pour sa cause.

De plus, le Mois Sans Tabac bénéficie de moyens importants et de canaux de communication puissants afin de diffuser son message. Présent sur les réseaux sociaux, à la télévision, dans la presse, en physique et même via ses kits envoyés aux fumeurs, le Mois Sans Tabac dispose de ressources considérables afin de faire rayonner son message. De plus, son message est porté par des organisations de grande influence, notamment les institutions étatiques françaises lui permet d’avoir une visibilité importante dans l’espace publique et ce sans dépenser d’argent. Movember ne fait pas le poids avec une présence principalement sur les réseaux sociaux. Si le mouvement utilise bien les nouveaux moyens de communication pour se mettre en avant, il n’a que très peu de visibilité sur les autres canaux. Ce déficit de visibilité démontre que pour porter une initiative de santé publique, les réseaux sociaux, si puissants soient-ils, ne sont pas suffisants.

Conclusion

Novembre est donc un mois phare ou deux grandes initiatives de santé se déroulent simultanément. L’engouement autour de ces initiatives est également présent grâce à une véritable prise de conscience de la population des problématiques liées à la santé ainsi que des moyens toujours plus innovants déployés par les institutions pour engager le public pour la bonne cause. Nous observons également ces dernières années une multiplication de ces initiatives, ce qui nous conduit naturellement à nous interroger sur l’avenir de ces actions. Si de plus en plus de campagnes de sensibilisation à la santé sont mises en œuvre, certaines vont prendre le pas sur les autres comme on peut le remarquer avec Le Mois Sans Tabac et Movember. De plus, il n’est pas forcément possible de s’impliquer dans plusieurs causes en même temps, ce qui réduit l’efficacité de deux actions menées simultanément. Ainsi, nous pouvons nous demander si un excès d’initiatives de santé publique ne pourrait pas finalement être néfaste pour ces mouvements. Nul doute que les prochaines années seront clés afin d’observer l’évolution de ce phénomène.

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