Noël, ce moment de l’année attendu avec impatience par les petits comme les grands ! Pour beaucoup, cela rime avec famille, partage, plaisir… et surtout cadeaux. Des millions et des millions sont vendus chaque année en France faisant de cette fête une période de surconsommation.

La fête de la nativité

Si certaines traditions sont maintenant bien ancrées à Noël, c’était à l’origine bien différent de ce que l’on connaît actuellement. Noël, du latin « dies natalis » qui signifie « jour de naissance », provient d’une fête païenne célébrée pendant l’Antiquité, au deuxième siècle après J-C. Pour honorer le dieu des semailles appelé Saturne, les saturnales, un festival de moisson avait donc lieu du 17 au 24 décembre. Il a ensuite été prolongé jusqu’au 25 décembre pour coïncider avec la fête du Soleil, les Romains célébraient alors la naissance de Sol Invictus, une divinité solaire. C’est à partir du quatrième siècle que l’Eglise de Rome a décidé de célébrer Noël le 25 décembre afin, à l’origine, de fêter la naissance de Jésus-Christ. Avec l’expansion du christianisme, cette célébration s’est peu à peu introduite dans les mœurs des Européens. C’est alors que plusieurs coutumes se sont développées : la tenue de la messe de minuit, en référence à l’heure supposée de la naissance de Jésus et la décoration des sapins, déjà pratiquée par les Romains lors du solstice d’hiver le 21 décembre. Autre tradition mondialement connue, offrir et recevoir des cadeaux. Déjà sous l’Empire romain, des cadeaux étaient échangés le 1er janvier : des plantes porte-bonheur, de la nourriture, des vêtements, des objets. C’est ensuite Noël qui est progressivement devenu le jour des cadeaux grâce à la diffusion du Père Noël, inspiré par Saint-Nicolas. Cela a entre autres été rendu possible avec la popularisation de cette figure “rouge” par la marque Coca Cola lors de son utilisation dans l’une de ses campagnes publicitaires pour la première fois en 1931.

Père Noël
Crédit photo : Coca Cola

Cette tradition d’offrir des cadeaux à l’occasion de Noël revêt une importance à la fois sociologique et économique. L’importance sociologique est exprimée par Perrot M. dans Ethnologie de Noël. Une fête paradoxale en 2000, lorsqu’il écrit que « Les achats de Noël représentent une dépense obligée pour honorer les liens que l’on entretient les uns avec les autres ; mais également le Père Noël moralise et cautionne la consommation et permet à la famille de gâter leurs enfants et petits-enfants en bonne conscience. » L’importance économique de Noël pour des entreprises de différents secteurs, qui font parfois jusqu’à 75 % de leur chiffre d’affaires à l’occasion de Noël, n’est plus à démontrer. La dépense globale par ménage pour les cadeaux de Noël se situe autour de 282 €, en France, en 2021.

Les intérêts commerciaux sont évidents, mais si le phénomène a pris tant d’ampleur, c’est en raison de l’acceptation et de l’appropriation de la part des consommateurs. En effet, Laroche et d’autres dans Journal of Business Research, en 2000, identifient des variables situationnelles qui influent le choix d’un cadeau, et des cadeaux de Noël en général :

1. « Le risque perçu que le cadeau ne plaît pas ». Trois stratégies de la part de l’offreur permettent de réduire ce risque :

  • Demander conseil à un proche (souvent à la mère dans le cas des enfants).
  • Suivre la demande explicite du receveur (d’après Vincent S. dans Le jouet et ses usages sociaux, en 2001, plus de 90% des enfants établissent une liste de Noël et 86% des parents déclarent acheter en fonction de cette liste).
  • Augmenter le prix du cadeau diminue le risque que ce dernier ne plaise pas.
Mauvais cadeau
Crédit photo : Marie France
  1. La proximité de la relation entre l’offreur et le receveur. Les conséquences d’un mauvais choix de cadeaux semblent souvent plus graves pour une relation proche que pour une relation plus éloignée. La proximité entre parents, grands-parents et leurs enfants et petits-enfants explique partiellement les dépenses élevées pour les cadeaux de Noël, qui est avant tout une fête familiale.
  2. La difficulté perçue du receveur d’un cadeau. On entend par « receveur difficile » quelqu’un à qui offrir un cadeau est perçu comme une tâche difficile, par exemple les beaux-parents, les grands-parents et le père sont des receveurs difficiles.

Une communication de surconsommation

A l’image du partage et du plaisir sur lesquels les citoyens voient toujours plus grand, tout ce qui est fait à Noël est décuplé, faisant de cette fête une période de surconsommation.

Père Noël dessin

Pour ne citer que quelques exemples, on retrouve les sapins jetés, le gaspillage alimentaire, la pollution lumineuse, sans oublier les cadeaux, car entre leurs fabrications à l’étranger, les papiers cadeaux à usage unique, les envois par colis, les commandes excessives, ils sont la source la plus importante de surconsommation. Si beaucoup d’entre nous ne sont plus vraiment raisonnables à Noël, nous ne sommes pas les seuls responsables de cette frénésie.

Comme évoqué précédemment, les entreprises utilisent la période de Noël afin d’améliorer leurs ventes avec différents stratagèmes. Nous retrouvons certains codes comme le calendrier de l’avent et le fameux Père Noël. L’objectif est donc de jouer avec l’esprit du consommateur qui est prêt à dépenser tant que cela est lié à la saison des fêtes.

Nous pouvons utiliser cette campagne de communication de Lucky Strike de 1937 pour montrer que cette tendance de surconsommation n’est pas récente. La marque utilise le symbole du Père Noël pour vendre son produit, un paquet de cigarettes, ce qui n’a aucun rapport avec la période des fêtes.

Pour revenir sur les calendriers de l’Avent, la tradition s’est élargie, il s’agit d’un produit composé de 24 échantillons d’une marque. D’un point de vue éco-responsable, la plupart sont polluants avec des objets à usage unique. Cependant, la tendance des calendriers plus durables se développe. D’un point de vue marketing, cela rend la période de consommation encore plus longue et cela habitue l’utilisateur à offrir, recevoir et utiliser des produits. Cela renforce l’envie d’acheter les produits de la marque dont on consomme le calendrier.

La communication autour de Noël dépasse donc ce simple événement et amène à une surconsommation de masse.

L’influence de la publicité sur les comportements de consommation

Étant devenu aujourd’hui prescripteur pour une grosse partie des dépenses familiales, l’enfant est le destinataire final de bon nombre de messages publicitaires, que le produit lui soit dédié ou non. En tant que média de masse, les écrans viennent transformer les liens intergénérationnels. La publicité donne notamment aux enfants le sentiment qu’ils peuvent agir comme s’ils étaient des adultes. Dans son article La création littéraire et le rêve éveillé, Freud écrit en 1908 : « Le jeu des enfants est orienté par des désirs, à proprement parler par le désir qui aide à élever l’enfant, celui de devenir grand, adulte. L’enfant joue toujours à « être grand » ».

La publicité en général, donne aux parents l’idée qu’ils peuvent copier les jeunes, puisqu’un modèle de comportement unique est proposé à l’ensemble des générations. Elle induit donc un brouillage du temps pour chaque tranche d’âge. Les adultes cherchent à conserver à tout prix leur allure d’adolescent et beaucoup de produits qui leur sont destinés font miroiter des valeurs liées à l’éternelle beauté. De la même manière, les adolescents ou même les plus jeunes enfants cherchent à se grandir en consommant des produits qui leur semblent valorisant parce qu’ils leur permettent d’accéder à un statut qu’ils n’auraient pas sans ces produits.

Opposite day
Crédit photo : Affiche du film Opposite Day

Ainsi, la publicité contribue non seulement à brouiller les repères entre parents et enfants, mais induit également une réorganisation des rapports parents-enfants. Ce qui n’est pas sans conséquence sur la culture des enfants d’aujourd’hui et sur les comportements de consommation qu’ils adoptent.

Un Noël plus responsable

Il est tout à fait envisageable de consommer de manière plus responsable pendant les fêtes sans pour autant dénaturer ce moment si spécial. Voici quelques suggestions pour changer ses habitudes, qui ne ruineront pas l’ambiance festive, c’est promis !

Furoshiki noel
Crédit photo : Takaterra.com
  1. Apprendre le Furoshiki : art japonais qui consiste à emballer des objets dans un carré de tissu esthétique et réutilisable.
  2. S’orienter vers des jouets durables : non seulement de par leurs matériaux de fabrication mais aussi par leur durée d’utilisation. Les jeux de construction comme les Lego et les Kapla sont par exemple solides et intemporels !
  3. Offrir une activité plutôt qu’un objet : une activité (équitation, planche à voile, poterie…) permettra de développer ses talents et sa créativité. En plus de permettre de s’ouvrir à de nouveaux horizons et de faire des rencontres, vous contribuez à l’économie locale.
  4. Ne pas multiplier les babioles : beaucoup de gens compensent le manque d’idées cadeaux appropriées par une multiplication de petits cadeaux, tous plus ou moins utiles et plus ou moins solides. À cela, préférez les cartes cadeaux ou l’argent liquide, car une bonne partie de ces objets finira oubliée dans un recoin de la maison. Si l’acte de donner un cadeau est important pour vous, n’hésitez pas à vous organiser avec vos proches pour partager la liste de cadeaux souhaités par chacun, ou à utiliser le site secretsantaorganizer.com avec vos collègues !

Sources

Ouvrages :

  • De La Ville Valérie-Inés, “L’enfant consommateur”, 2005
  • Freud, “La création littéraire et le rêve éveillé”, 1908
  • La revue des Ceméa, “Où va l’éducation à la consommation?”, 2010
  • Laroche M. Saad G. Kim C. Browne E., “A cross – cultural study of in-store information search strategies for a Christmas gift”, Journal of Business Research, 2000
  • Perrot Martyne, “Ethnologie de Noël”. Une fête paradoxale, 2000
  • Vincent Sandrine, “Le jouet et ses usages sociaux”, 2001

Sites Internet :

Articles :

Article rédigé par Chloé Ferrante, Léo Hawner, Florence Lacroix et Meri Grigoryan. 

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