En novembre on se laisse pousser la moustache

Novembre n’est pas que le mois de l’arrivée de l’hiver, des feux de cheminées et des chocolats chauds. C’est aussi le mois où l’on parle cancer de la prostate, santé mentale des hommes et prévention au suicide. Venu d’Australie, celui qu’on appelle le Movember est reconnaissable par son symbole : la moustache. 

Crédit photo : Movember.com

Le Movember, c’est quoi ?

Créé dans les années 1970 à San Francisco, ce n’est qu’en 2003, en Australie, que le mouvement prend de l’ampleur quand un groupe d’amis de Melbourne se lance le défi de se laisser pousser la moustache pendant 30 jours. Le but initial était de sensibiliser le grand public sur les maladies touchant les hommes, notamment le cancer de la prostate et des testicules mais aussi la dépression.  

Ils étaient une petite trentaine à se laisser pousser la moustache en 2003, l’année suivante ils sont plus de 500. De plus, ils récoltèrent la somme de 54 000 dollars australiens lors d’une collecte de dons organisée pour l’association Prostate Cancer Foundation of Australia. Ce fut la plus grosse donation jamais enregistrée pour cette fondation.  

Chaque année, le mouvement prend de plus en plus d’ampleur et c’est en 2007 que les organisateurs ont officialisé la création de la Movember Foundation Charity 

Depuis 2003, plus de 6,8 millions de personnes ont participé au Movember et chaque année, des milliers de nouveaux Mo-Brothers et Mo-Sisters s’y mettent !  

“Mo” pour “moustache”

Les objectifs du mouvement évoluent au fil des années, mais le point d’ancrage reste le même : sensibiliser l’opinion publique aux problèmes de santé masculins, souvent peu abordés… Et par la même occasion, récolter des fonds pour aider la recherche médicale.  

 

Movember se concentre donc sur différents aspects de la santé masculine. D’une part, le fait que les hommes ont tendance à minimiser leurs problèmes de santé, ce qui les amène à effectuer plus rarement des dépistages de cancer que les femmes. Et d’autre part, le fait que les problèmes psychologiques tels que la dépression ou tout autre maladie affectant la santé mentale de l’homme soient beaucoup plus tabous chez les hommes que chez les femmes.  

 

Ainsi, de nouveaux sujets sont mis en avant au fil des années pendant le Movember tels que la pression sociale, la question du suicide chez les hommes ou encore les stéréotypes de genre et la virilité qu’ils devraient incarner; ce qui peut être difficile d’un point de vue psychologique pour nombre d’entre eux.   

Mais alors, comment on y participe ?

Si vous souhaitez prendre part au Movember l’année prochaine et soutenir le mouvement c’est très simple. Il suffit de s’inscrire sur le site officiel de la fondation : https://fr.movember.com/get-involved/at-work. Commencez le mois rasé de près puis gardez et entretenez votre moustache pendant 30 jours. Attention, pas de triche : la barbe, le bouc ou la fausse moustache sont interdits. Vous pourrez donc profiter de votre belle moustache pendant tout le mois de novembre et également sensibiliser et informer toute personne qui vous demandera : “Alors, tu te laisses pousser la moustache ?”   

 

De plus, si vous ne souhaitez pas arborer de moustache pendant l’intégralité du mois, vous pouvez également soutenir le mouvement grâce à des dons sur les réseaux sociaux, des cagnottes en ligne ou directement sur le site de la fondation : https://fr.movember.com/donate 

Movember en France, ça donne quoi ?

Quelque peu invisibilisé par le mouvement d’Octobre Rose le mois précédent, Movember connaît pourtant ses adeptes. Il est vrai que l’on a tendance à voir davantage de moustaches dans les rues au mois de Novembre que pendant le reste de l’année. Les hommes rencontrés parlent de Movember comme une manière d’apporter sa propre touche au mouvement et d’informer sur les maladies qui les touchent. Que ce soit grâce aux réseaux sociaux, aux médias ou à leur entourage, la communication autour de Movember ne cesse de s’accroître. L’initiative plaît et convainc les hommes de se laisser pousser la moustache d’une année sur l’autre. Lorsque l’on pose la question sur le fait d’arborer une moustache en novembre, ils sont nombreux à se dire prêts à rejoindre le mouvement. D’autres ne sont pas plus intéressés que ça et ne souhaitent pas se rallier à la cause de cette manière. 

 

Le Movember reste encore dans l’ombre malgré ses 19 années d’existence. C’est pour cela que certains hommes ne souhaitent pas se mobiliser. La moitié des personnes interrogées (hommes et femmes confondus) ne connaissaient pas cette cause ou alors très peu. Il semble donc important de visibiliser le Movember dans le but de récolter des fonds et sensibiliser les gens à la santé masculine. 

Crédit photo : Movember.com

Il y a quelques années, le mouvement a décidé d’ouvrir ses horizons et de proposer d’autres actions pour que tout le monde puisse y participer. En effet, il est maintenant possible d’organiser un « Mo-ment » en réunissant des amis autour d’un repas, en participant à une soirée jeux de société ou bien à un bingo musical et en collectant des dons. L’autre activité phare est le « Move ». Il suffit de marcher ou courir 60 kilomètres au cours du mois de novembre, en mémoire des 60 hommes qui se suicident chaque heure dans le monde. Aller faire les courses, faire son jogging quotidien, promener le chien ou se rendre au travail sont autant de manières de participer au mouvement. Cette initiative plaît énormément malgré le fait qu’elle soit moins connue que de porter la moustache. Elle est pourtant plus simple à réaliser et accessible à davantage de personnes. Peu importe votre genre, vous pouvez participer au Movember de la façon dont vous le souhaitez et rejoindre les autres Mo-Bros et Mo-Sisters. Nombre de personnes se disent prêtes à soutenir la cause de cette manière et faire en sorte que ces actions comptent. 

 

Il est important de souligner que le Movember est un mouvement qui est apparu très rapidement sur les réseaux sociaux et que ces derniers ont permis de le rendre visible aux yeux du monde entier. Parmi les pays y participant, on peut notamment citer l’Afrique du Sud, le Canada, le Danemark, les Etats-Unis, la Finlande, l’Irlande, la Nouvelle-Zélande, la République tchèque, Singapour ou encore la France. Depuis ses débuts, la cause a permis à plus de 1 250 projets sur la santé masculine de voir le jour et d’être financés.  

Les actions de communication mises en place cette année autour du Movember

Vous l’aurez donc compris, le Movember n’est pas un mouvement très connu en France, d’où la nécessité de communiquer sur ce mouvement pour informer et sensibiliser la population. Mais même si la prévention fait partie intégrante des actions de communication mises en place, c’est aussi et avant tout une opportunité marketing pour les marques, leur permettant de s’engager dans une cause sociétale afin d’améliorer leur image. 

 

Cette année encore, les campagnes de communication autour de l’événement sont nombreuses, comme celle de la célèbre marque de chips Pringles par exemple, dont la mascotte Mister P s’est coupée la moustache en soutien aux hommes atteints du cancer de la prostate.

Crédit photo : Instagram / @pringles

La “marque à la moustache” s’engage également en France pour libérer la parole des hommes sur la question du bien-être et de la santé mentale, sujets au cœur du mouvement Movember. Pringles réalise notamment des études CSA qui sont ensuite présentées au grand public. Les résultats montrent que les moments de convivialité avec les amis ou la famille sont les moments les plus propices à la libération de la parole masculine. C’est pourquoi Pringles a décidé cette année de faire participer la population sur les réseaux sociaux, en encourageant les gens à partager des moments de convivialité dans le but de donner plus de visibilité aux problèmes liés au bien-être des hommes. Enfin, chaque produit de la marque acheté contribuera au don total de 50 000 euros que Kellogg’s, détenteur de la marque Pringles, fera à l’association Movember. 

 

Les marques ne sont pas les seules à soutenir l’association. En effet, les corps médicaux sont également engagés pour la cause et organisent des évènements et des journées de prévention. C’est le cas notamment de l’hôpital Robert Schuman, situé à Metz, qui a décidé en ce mois de novembre d’installer une prostate géante dans le hall du bâtiment. Des chirurgiens de l’hôpital y organisent des visites guidées afin de sensibiliser les français au cancer de la prostate. D’autres animations sont également prévues par le même organisme, comme l’installation d’un photobooth pour être pris en photo vêtu de bleu, couleur emblématique du mouvement Movember ; ou encore le concours de la plus belle moustache, qui sera récompensée à la fin du mois par un artisan coiffeur. 

Crédit photo : Uneos

 Du côté de l’association Movember en elle-même, on retrouve plusieurs grands axes de communication tels que l’invitation à se laisser pousser la moustache, l’incitation à courir ou marcher 60 kilomètres, ou pour les moins sportifs et les hommes imberbes, la possibilité d’organiser tout autre événement ludique en groupe. L’association communique également sur la nécessité de faire des dons. Les fonds seront reversés à la recherche médicale sur les cancers de la prostate et des testicules ainsi qu’aux associations de prévention du suicide chez les hommes. Movember travaille étroitement avec de multiples grandes marques telles que Gillette, L’Oréal, Yop ou encore Pringles, cité précédemment. 

 

Mais quelles sont les réactions des internautes sur les réseaux sociaux vis-à-vis des actions de communication du Movember ? 

Les réseaux sociaux : reflet des tendances

Pour rendre compte de cela, nous avons suivi l’évolution des réseaux sociaux de l’association, et ce à 3 moments distincts : avant le commencement du mois de novembre, au 8ème jour, et au 15ème du mois. Les comptes suivis sont les suivants : Movember sur Instagram et TikTok, Movember et Movember France sur Facebook et Twitter.  

 

Pourquoi avoir choisi ce fonctionnement ? Le mouvement existant essentiellement durant le mois de novembre, il était pertinent de relever le nombre d’abonné.es et de publications des différents réseaux sociaux avant l’édition de cette année et notamment avant le lancement de la communication qui prend place les semaines qui suivent. Au 8ème jour, les différents comptes ont déjà pu poster plusieurs publications. Il est donc intéressant d’observer leur impact, et de se demander s’il y a plus d’abonné·e·s suite au lancement de l’activité de ces derniers. Enfin, l’analyse des chiffres à la mi-novembre permet de déceler un éventuel frein à la croissance du nombre d’abonné.es de ces comptes.  

Qu’en est-il de la régularité des publications ?

Ce sont les comptes de Movember France sur Instagram et sur Facebook qui sont les plus réguliers car une publication est postée chaque jour depuis le 1er novembre. Les autres comptes postent généralement plus d’une publication par jour. Seul le compte TikTok n’assure pas cette régularité puisqu’on relève un total de 11 publications depuis le début du mouvement, soit 4 manquements à la publication journalière que postent les autres réseaux sociaux.

Source : Instagram / @movember

Le lancement de l’édition de cette année a-t-il impacté l’évolution des réseaux sociaux ?

Concernant l’évolution du nombre d’abonné·e·s de l’association, nous pouvons relever deux progressions importantes : celles des comptes Instagram et TikTok. Le compte Movember sur TikTok, créé en 2019, a connu cette année une progression fulgurante de son nombre de followers. En effet, le compte a obtenu 24,1% d’abonnés en plus durant la première moitié de ce mois (passant de 33 200 followers à la fin du mois d’octobre à 41 200 followers au 15 novembre).  

 

Le lancement de l’édition de cette année a enthousiasmé les internautes sur Instagram puisque qu’entre la fin du mois d’octobre et le 8 novembre c’est presque 10 000 nouveaux abonné·e·s que le compte a obtenu. Cependant, tous les comptes n’ont pas connu un tel engouement. Nous pouvons notamment citer le compte Facebook américain dont l’évolution du nombre de followers n’a pas dépassé les 1,2% ou encore le compte Twitter français (dont l’audience était déjà bien plus faible que les autres) qui n’a su séduire qu’une centaine de nouveaux abonné·e·s.  

 

La tendance générale des réseaux sociaux du mouvement est donc majoritairement la régularité des publications et l’attraction de nouveaux abonné·e·s. Malgré tout, plusieurs comptes s’en détachent et voient leur audience évoluer bien plus lentement.  

Et les femmes dans tout ça ?

Le mois d’octobre est généralement associé aux femmes et celui de novembre aux hommes. Ne serait-il pas temps d’arrêter de catégoriser les genres ?  

En effet, le Movember est comme nous l’avons vu un moyen d’alerter sur le cancer de la prostate, la santé mentale des hommes et de faire de la prévention au suicide. On pourrait donc penser que les femmes sont totalement exclues de ce mois. En outre, la prostate permet de produire une partie du sperme afin de transporter les spermatozoïdes. C’est une glande située dans l’appareil génital masculin. Cet organe devrait donc être, en théorie, exclusivement masculin (au niveau biologique du terme). Cependant, une étude de la FICAT (Federative International Committee on Anatomical Terminology) datant d’août 2001 a légalisé l’existence du terme de prostate féminine. Appelée « glande de skene » elle est collée à la paroi vaginale et sécrète un liquide aidant à la lubrification du vagin. Ainsi, les femmes sont également concernées par le cancer de la prostate et donc par le Movember. 

Alors comment peuvent-elles agir ?

Mesdames, vous avez de nombreuses solutions pour vous investir dans ce mois de Novembre ! 

Selon une étude menée par l’AAFP (American Academy of Family Physicians), la moitié des hommes interrogés disent ne pas avoir consulté de spécialiste au cours des douze derniers mois et 29% d’entre eux reconnaissaient attendre « le plus longtemps possible » avant de chercher de l’aide lorsqu’ils sont malades. Dr Luc Valiquette, directeur du Département de chirurgie et spécialiste en chirurgie urologique au Centre hospitalier de l’Université de Montréal ajoute que « par ignorance et par peur, les hommes ne sont pas aussi diligents et honnêtes qu’ils devraient l’être en ce qui concerne leur santé ». Les femmes, piliers dans la discussion sur les sujets autour de la santé, peuvent donc les encourager à être plus proactifs vis-à-vis de cela. 

C’est avec cette intention d’aider les hommes à prendre soin de leur santé physique et mentale qu’a émergé le mouvement des Mo-Sista. Venant de la contraction de « Movember » et « Sister » (sœur en anglais), ces dernières peuvent donc, à défaut de se laisser pousser la moustache, courir ou marcher 60 km dans le mois. Elles peuvent aussi encourager les hommes à exprimer pleinement leurs émotions et leurs sentiments, auprès de leurs proches ou d’un psychologue. Faire un don à l’association reste également un moyen efficace de soutenir la cause.

Crédit photo : Facebook / Movember France

Mais si le Movember et les actions préconisées se concentrent majoritairement sur le bien-être et la santé des hommes, et notamment sur le cancer des testicules, il ne faut pas oublier que, comme mentionné précédemment, les femmes peuvent elles aussi se sentir concernées par ces combats. Même si les cas de cancers de la prostate chez les femmes touchent moins d’1 cas pour 10 millions de femmes, elles peuvent tout de même œuvrer pour soutenir le mouvement et aider à faire progresser la recherche.  

 

Guy de Maupassant a écrit, dans son livre Boule de suif (1880), : « Vraiment, un homme sans moustache n’est plus un homme ». Pourtant, c’est bien le message contraire que veut faire passer le mouvement du Movember. En incitant les hommes à se laisser pousser la moustache, une communauté se crée. Une communauté constituée de tout genre, de tout âge, de toute nationalité. Car le but du Movember est bien de dire ceci : tout le monde peut être touché par le cancer de la prostate. La moustache devient donc symbole de lutte, d’ouverture sur le monde et de ralliement. Qui aurait pensé qu’une simple moustache pouvait réunir autant de personnes autour d’une même cause ? Et pour les personnes qui ne pourraient pas ou ne voudraient pas se laisser pousser la moustache pendant l’intégralité du mois, il existe d’autres manières de soutenir la cause. Alors mesdames, plutôt que d’acheter un superbe mug avec une moustache (il faut bien soutenir le capitalisme tout de même !) ou de se laisser peindre des moustaches sur les ongles (c’est tellement girly !), comme recommandé par le site La Journaliste, vous pouvez toujours chausser vos baskets ou faire un don via le lien suivant : https://fr.movember.com/donate. 

Sources 

Article rédigé par Léana Alves, Laurie Chaigne, Daphné Malolepszy, Matthieu Martins, Léa Simonnet.